lundi 20 juin 2022

Heartstopper - Alice Oseman


Ceci est l'histoire de deux lycéens. Nick, le rugbyman au sourire solaire. Charlie, le musicien au coeur solitaire. Parce qu'ils évoluent dans des cercles différents, parce qu'ils n'ont pas le même caractère, leur amitié n'était pas gagnée. 

Pourtant, petit à petit, de façon irrésistible, Charlie tombe amoureux. Même s'il sait que Nick aime les filles. Même s'il sait qu'il n'a aucune chance. Alors, pour ne pas mettre en péril cette amitié naissante qui compte pour lui plus que tout, Charlie préfère garder le silence...



Je débarque après la tempête ! Eh oui, il a fallu que Netflix adapte cette série de comics pour que je m'y intéresse enfin ! Pourtant, si je n'avais pas décidé de tromper l'ennui en regardant cette série, jamais je ne me serais intéressée à Heartstopper. Bien mal m'en a pris !



Les romances au lycée, c'est du vu, vu et revu ! On ne sait plus les compter ! Une romance homosexuelle au lycée, c'est déjà un peu moins fréquent, même si on retrouve le cliché du garçon populaire et sportif du lycée et de l'autre garçon plus discret et un peu un paria. J'admets que ce sont ces clichés qui m'ont apporté des réticences à lire ces comics, avant l'adaptation Netflix. Pourtant, la formule fonctionne et c'est une véritable lecture doudou que nous offre Alice Oseman.



Les personnages sont aussi attachants les uns que les autres. Charlie, homosexuel qui a été "outé" malgré lui et qui a subi du harcèlement à cause de sa différence, introverti, manquant de confiance en lui, qui a tendance à trop s'excuser et à trop réfléchir et ressasser. Nick, véritable golden retriever humain, sportif, amical, bienveillant et ouvert d'esprit. Voisins de table, ils vont peu à peu se découvrir en passant du temps ensemble, d'abord en classe puis en dehors de l'école alors que se tissent des liens d'amitié. L'auteure prend vraiment le temps de construire leur histoire : ils passent du temps ensemble, s'envoient SMS sur SMS, s'amusent, s'entraident, se dévoilent l'un à l'autre. Charlie finit par tomber amoureux mais préfère taire cet amour pour ne pas gâcher son amitié avec Nick. Ce dernier réalise progressivement qu'il ressent une attirance pour Charlie qui va au-delà de l'amitié, mais ne sait comment gérer ses sentiments, lui qui s'est toujours cru hétérosexuel.






Si Charlie n'a aucun doute sur ce qu'il ressent pour Nick et qu'il est entouré d'une famille et d'amis qui sont conscients de son orientation, avec bienveillance, ce n'est pas le cas pour Nick qui s'interroge sur ses sentiments et qui, s'il accepte ses sentiments pour Charlie, est un peu plus dans le flou. Il se s'y retrouve pas. Quelle est son orientation ? Quel mot mettre sur ce qu'il est ? Où chercher ? À qui demander ? Vers qui se tourner ? Peut-il se confier à ses amis et sa famille, comprendront-ils ? Des questions légitimes qui chamboulent Nick. J'ai beaucoup aimé suivre ce questionnement, il est amené avec beaucoup de délicatesse et cela démontre bien l'importance de découvrir son identité, s'éduquer, en parler... J'espère que cela pourra aider adolescents comme adultes concernés par le sujet.



Outre la romance, c'est une relation très positive qui se noue et qui va apporter du soutien et du positif dans la vie de l'autre. Nick est une solide épaule sur laquelle Charlie peut se reposer face au harcèlement, notamment, et fait comprendre à Charlie qu'il ne faut pas toujours s'excuser automatiquement et qu'il n'a pas à trouver "normal" ou "banal" son harcèlement, qu'il n'a pas à s'y faire car ce n'est pas normal. Charlie est une présence rassurante et compréhensive pour Nick alors qu'il se cherche, lui laissant le temps de se découvrir et d'annoncer petit à petit son orientation à son entourage.




L'histoire s'accompagne d'autres personnages : Tara en couple avec la pétillante Darcy, Tao l'ami de Charlie qui est très protecteur avec lui et tout d'abord méfiant vis-à-vis de Nick, Elle qui est l'amie de Tao et de Charlie et qui a été transférée dans une école pour filles après sa transition de genre. La famille des protagonistes ne sont pas non plus en reste. Au fil de la série, le cercle des personnages s'élargit, diversifiant le récit. Certaines personnes parleront de personnages clichés, je trouve que c'est plutôt nuancé avec Nick qui s'éloigne de l'image habituelle que l'on se fait des sportifs, ou encore Charlie, malgré son côté geek et son corps chétif, va s'avérer bon en rugby.


Heartstopper aborde aussi des questionnements importants sur l'amour, l'amitié, les relations enfants/parents, l'acceptation de soi mais aussi de sa sexualité, la difficulté du coming out, le harcèlement scolaire. Il véhicule des messages importants sur l'estime de soi, la tolérance, l'ouverture d'esprit, mais aussi et surtout le fait que l'amour ne sauve pas. On ne peut pas toujours aider ceux qu'on aime car ce n'est pas forcément le rôle du partenaire (il faut s'adresser à la famille, ou à un professionnel) mais qu'on peut être présent dans les bons comme dans les mauvais moments, et prêter une oreille attentive.



La série évoque aussi les troubles alimentaires, la mutilation, l'aide psychologique et... c'est là où ça a coincé. Alors que j'étais enchantée par les trois premiers tomes, je dois avouer que le quatrième est celui que je préfère le moins... Je dois être l'une des rares d'ailleurs ! Bien qu'il est important d'aborder ces thèmes et de quelles façons on peut demander de l'aide, j'ai trouvé que cela plombait et noircissait le récit. Certes, Heartstopper abordait au départ des thèmes comme le harcèlement, la peur du regard des autres et la difficulté du coming out, mais cela n'altérait en rien la douceur, la légèreté et l'optimisme du récit. Ici, le quatrième tome se penche trop sur les problèmes de santé mentale de Charlie, au détriment du récit qui, s'il reste tendre et optimiste, donne au récit une touche bien amère. Ça brise vraiment le schéma habituel de Heartstopper. Pour le mieux, diront la plupart des lecteurs. Je ne suis malheureusement pas de cet avis. La BD qui a toujours été légère, mignonne, réconfortante... bref, une lecture cocooning... s'est assombrie dans ce tome. Or, quand je lis Heartstopper, c'est pour trouver quelque chose de léger, de chaleureux, d'optimiste, et j'ai moins eu cette impression. Oui, c'est important d'en parler mais il y a déjà bien assez de drame et de tragédie dans les fictions Young Adult.



Un autre point à m'avoir chagriné est que, même si l'histoire se centre sur Charlie et Nick, c'est davantage l'histoire de Charlie qui est mise en avant, surtout dans le tome quatre. Alors certes, son histoire est importante, d'autant plus que c'est le personnage qui souffre le plus de ses problèmes, mais j'ai regretté de voir Nick autant passer en retrait, car lui-aussi a des choses à raconter, lui-aussi a ses difficultés (un père quasi absent, un frère qui le rabaisse sans cesse) mais tout ceci est traité bien trop vite. Idem pour les autres personnages qui méritent d'être un peu plus mis en lumière.



Image tirée de la série


Néanmoins, Heartstopper est une lecture qui fait du bien au moral, avec des personnages attachants, un trait doux et aéré, une histoire simple, loin des affres et de la violence de ce monde (même s'ils vivent des désagréments). C'est une histoire très emprunte de modernité, avec l'omniprésence des téléphones portables, nos personnages s'envoyant une vague de SMS lorsqu'ils ne sont pas ensembles, la présence du langage d'internet, différentes fictions, etc.



C'est également une lecture qui parle et nous interroge, abordant des sujets souvent épineux de cette période compliquée qu'est l'adolescence où des milliers de questions envahissent l'esprit. C'est une bonne représentation LGBT pour les jeunes comme pour les adultes qui cherchent à comprendre leur sexualité et pour l'acceptation des autres. Il n'y a rien de vulgaire, ni de sexuel. C'est à la fois attachant et optimiste, malgré les thèmes parfois compliqués qui sont abordés.



En bref, Heartstopper est un bonbon de tolérance et de modernité. Une bande-dessinée tendre qui fait beaucoup de bien. C'est beau, c'est touchant, ça fait du bien. Un bijou de tendresse et d'émotion.

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