jeudi 23 juin 2022

L'incroyable voyage de Coyote Sunrise - Dan Gemeinhart.


Coyote, douze ans, vit avec son père Rodéo dans un vieux bus scolaire. Ensemble, ils sillonnent les États-Unis au gré de leurs envies, embarquant parfois quelques auto-stoppeurs à l'âme en peine.

Quand Coyote apprend que le parc de son enfance va être détruit, elle décide de tenter l'impossible : convaincre son père de traverser le pays en quatre jours pour arriver avant les bulldozers. Un défi de taille, puisque ce dernier a juré de ne plus retourner sur les lieux de la tragédie qui les a précipités sur les routes, cinq ans auparavant.

Mais le voyage est parfois plus important que la destination...



Depuis maintenant cinq ans, Coyote sillonne les États-Unis avec son père Rodéo, puis avec un chat roux nommé Ivan, dans un vieux bus scolaire qu’ils ont ré-aménagé comme étant leur lieu de vie. Ils sont sans cesse sur la route, voyageant au gré de leurs envies, prenant parfois des auto-stoppeurs. Leur petite vie tranquille est cependant bouleversée le jour où Coyote apprend par sa grand-mère que le parc de son enfance va être détruit. Dans ce parc est enfoui un bien très précieux que Coyote refuse de voir fauché par les bulldozers et décide coûte que coûte de retourner dans la ville où elle a grandi. Seulement, pour Rodéo, il est hors de question de retourner dans ce lieu chargé de souvenirs douloureux. Coyote doit donc élaborer un plan pour retourner chez elle sans éveiller les soupçons de son père…


C’est un roman road-trip très efficace, même si je déplore n’en avoir pas pris plein les yeux concernant tout le paysage naturel et culturel diversifié que peut offrir les États-Unis, bien que je conçois que Coyote cherche à tout prix à revenir dans la ville de son enfance le plus vite possible et qu’elle ne cherche donc pas à s’éterniser dans les lieux où ils s’arrêtent. Malgré tout, le roman nous offre une panoplie de personnages intéressants et les émotions sont bel et bien au rendez-vous !


Coyote est une héroïne plutôt adorable et attachante, généreuse et courageuse, un peu trop mâture pour son âge mais je mettrais ça sur le compte de la tragédie qu’elle a vécu si jeune dans sa vie. Elle forme un duo attachant avec son père Rodéo. On ne peut qu’être ému par le lien profond qui unit ces deux personnages. C’est plus qu’un lien père/fille, ce sont deux survivants qui sont la raison de vivre de l’autre, qui veillent et se protègent l’un l’autre, et qui feraient n’importe quoi pour l’autre et qui sont très complices, avec un petit grain de folie qui les rend attachants.


C’est un duo avec ses blessures et ses défauts, qui s’est crée une bulle en ignorant/fuyant un passé douloureux. Par un accord tacite, ni l’un ni l’autre ne doivent évoquer les fantômes de leur ancienne vie. De ce fait, certaines blessures sont encore vives car ils n’ont pas pris le temps de s’en occuper et ont préféré l’ignorer. Je pense notamment à Rodéo. Cela donne lieu à des scènes très touchantes entre le père et la fille. C’est plus qu’une histoire de road trip, c’est une histoire de deuil et comment accepter ce deuil et ses blessures. C’est parler des limites qui se sont posées et comment se réparer, comment faire face à ce qu’on a si longtemps fui et être en paix avec soi-même. Au fil du roman, on apprend petit à petit ce qui les a mené sur la route et pourquoi c’est si important pour Coyote (on devine d’ailleurs que Coyote et Rodéo ne sont pas leurs vrais noms) de revenir chez elle récupérer ce qui est enfoui dans le parc.


À ce duo vont se greffer une ribambelle de passagers qui vont rejoindre le bus petit à petit, chacun pour un motif différent. Fuir un mari et un père violent pour trouver une vie meilleure, quitter une famille homophobe, tout quitter pour rejoindre la personne que l’on aime et qui vit à l’autre bout du pays. Chaque passager a son histoire, sa richesse, ses secrets. Ce sont des âmes en peine écorchés par la vie mais toujours avec l’espoir d’un mieux. Grâce à une générosité et une entraide mutuelles, chacun va réussir à surmonter les épreuves difficiles. J’ai notamment beaucoup aimé l’amitié entre Coyote et Salvador, comment ils ont appris à se connaître, à se confier puis à s’entraider. Chacun va faire du bien à l’autre, l’aider dans son épreuve et ils ont des scènes très touchantes (je pense notamment à celle où ils se crient des secrets dans le vent, lorsqu’ils se retrouvent sur le toit du bus en marche).


L’arrivée de ces personnages permet d’aborder des sujets douloureux mais importants comme la violence familiale ou conjugale, l’homophobie, le deuil, etc. Je déplore toutefois certaines scènes assez irréalistes, notamment dans la façon de Coyote de persuader certains personnages d’embarquer avec elle dans le bus de son père et surtout la confiance rapide que ces personnages accordent à de parfaits inconnus. Même si au final, j’ai beaucoup aimé le voyage ainsi que la compagnie de chacun des personnages qui, avant d’embarquer, ont du répondre au test de Rodéo, répondre à trois questions : Quel est ton livre préféré ? Quel est ton endroit préféré ? Quel est ton sandwich préféré ? Mine de rien, ces réponses sont parfois révélatrices sur la personnalité de la personne.


De cette aventure, il se dégage beaucoup d’émotions et on en ressort grandi. Malgré les thématiques « graves » qu’il dégage, ce roman déborde de bienveillance et de dynamisme avec beaucoup d’émotion, de suspense, d’espoir, de tendresse et d’amitié. C’est une aventure triste mais tendre et profondément optimiste. Un joli roman pour l’été… et même après !


"Ça ne sert à rien de regarder derrière soi", répétait toujours Rodéo. Il repérait très bien quand j'étais en train de penser à elles - ma mère et mes sœurs. Je devenais silencieuse et triste. Il secouait la tête, les yeux humides. "Non, ma puce. Ne retourne pas là-bas. Ta gaieté, c'est ici et maintenant. Tu dois laisser tout le reste derrière toi." Mais je n'ai jamais réussi à le faire aussi bien que lui. Simplement, je le cache mieux, maintenant. Je suis devenue vraiment bonne pour regarder en secret ces souvenirs interdits. 

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