vendredi 8 septembre 2023

La petite boutique aux poisons - Sarah Penner.

Lors d'une froide soirée de février 1791, à l'arrière d'une sombre ruelle londonienne, dans sa boutique d'apothicaire, Nella attend sa prochaine cliente. Autrefois guérisseuse respectée, Nella utilise maintenant ses connaissances dans un but beaucoup plus sombre :

Elle vend des poisons parfaitement « déguisés » à des femmes désespérées, qui veulent tuer les hommes qui les empêchent de vivre. Mais sa nouvelle cliente s'avère être une jeune fille de 12 ans, Eliza Fanning.

Une amitié improbable va naître entre elles, et entraîner une cascade d'événements qui risquent d'exposer toutes les femmes dont le nom est inscrit dans le registre de Nella...

De nos jours à Londres, Caroline Parcewell passe son dixième anniversaire de mariage seule, encore sous le choc de l'infidélité de son mari. Lorsqu'elle découvre sur les bords de la Tamise une vieille fiole d'apothicaire, elle ne peut s'empêcher de faire des recherches et va découvrir une affaire qui a hanté Londres deux siècles auparavant...



Je commence le Pumpkin Autumn Challenge avec ce roman qui me faisait de l’œil depuis un moment, avec sa jolie couverture et son résumé alléchant. Au final, c’est avec une déception que j’ai commencé le challenge !



Je pense que ma déception est en partie due au fait que le roman n’aura pas réussi à combler mes attentes et que ce que propose la quatrième de couverture ne correspond pas tout à fait à l’intrigue. En lisant la quatrième de couverture, cela m’a évoqué l’histoire de Giulia Tofana, une empoisonneuse du XVIIe siècle qui fournissait des poisons aussi discrets qu’efficaces des femmes qui désiraient échapper à un mariage violent et malheureux. Notre empoisonneuse fictive, Nella, partage des similitudes avec la Tofana. Une mère qui travaillait dans le commerce d’herbes et produits guérisseurs, la fille qui reprend la boutique et qui finit par concocter des poisons pour des femmes désirant échapper à l’emprise d’un homme, qu’il soit père, mari ou autre, qui a une jeune fille comme apprentie, et qui fini par être inquiétée par la justice parce qu’une de ses clientes a commis une erreur.



Le roman partait sur plein de bonnes idées, entre l’histoire autour d’une empoisonneuse qui veut donner aux femmes la possibilité de se faire justice ou de sauver elle-même, une sorte de serial killer pour la cause des femmes, une dénonciation de la condition de la femme à l’époque (mariages forcés, le peu de droits de la femme, etc), l’enquête pour découvrir la véritable identité de l’empoisonneuse, ainsi qu’une dynamique intéressante entre Nella et Eliza, d’abord sa jeune cliente qui aspire ensuite à devenir son apprentie, et qui devient peu à peu la fille que Nella n’a jamais eu. Si j’omets toute la partie du roman se situant de nos jours, le roman commence très bien et nous suivons avec plaisir Nella et Eliza. C’est ensuite que mon enthousiasme se fane peu à peu.



Attention mes bons, ça va spoiler !



On apprend que Nella a commencé à vendre des poisons après avoir été trahie par un homme. On pourrait alors croire qu’elle veut donner aux femmes le pouvoir de se venger, de se sauver d’une situation malheureuse ou abusive avec un homme de leur entourage. Or, Nella parle à la fois d’aider les femmes mais également de la noirceur de son âme qui grandit à chaque meurtre qu’elle commet. Elle dit vouloir aider ces femmes mais ne pas aimer ce qu’elle est devenue et mériter n’importe quel malheur lui arrivant. Certes, avoir des morts sur la conscience est un lourd poids à porter, mais Nella revendique le fait d’aider ses clientes et le fait car elle sait que cela apporte de l’aide à ces femmes. J’ai trouvé son comportement paradoxal.



Ajoutons à cela des moments très peu crédibles ou alors très discutables, notamment le fait que Nella fait graver ses fioles avec le même dessin d’ours sans penser un seul instant qu’un jour ça pourrait se retourner contre elle, ou que ses clientes n’ont pas pensé à se débarrasser d’une preuve aussi capitale, qu’Eliza soit trop adulte et réfléchie pour une fillette de douze ans et pourtant avec des réactions peu appropriées à son inexpérience et à son jeune âge.



La plus grosse incohérence, pour moi, est que Nella tienne un registre avec le nom de ses clientes mais ne souhaite pas s’en débarrasser car ce registre est la seule preuve tangible que les femmes qui ont fait appel à elles vont être oubliées de l’Histoire. Et c’est là que j’ai envie de dire : Nella, grosse débile, à ton avis qu’est-ce qui est préférable entre détruire le registre et que tes clientes restent anonymes et oubliées de l’Histoire mais VIVANTES et non inquiétées par la justice, ou que tu conserves le registre pour qu’on se souvienne de ces femmes, avec le risque qu’il soit trouvé et que l’Histoire se souvienne de tes clientes mais en tant que criminelles condamnées à mort ?




L’histoire de Nella reste cependant la plus intéressante du roman, celle que j’ai apprécié le plus. J’ai apprécié les prémisses du roman, découvrir le métier de Nella, ses motivations, son histoire, sa rencontre avec Eliza et comment celle-ci aide sa maîtresse à empoisonner son mari, ainsi que le début de l’enquête autour de Nella. Cependant, il m’a manqué de l’action dans ce roman (des courses poursuites, des découvertes mystérieuses, plus de dynamisme entre Nella et ses clientes ou encore Nella et Eliza, Nella qui permet bien d’autres empoisonnements avant que la justice ne s’intéresse à elle, que sais-je encore ?). On est bien souvent plongé dans les pensées des personnages.



En parallèle, nous suivons Caroline, dans le XXIe siècle, qui a tout plaqué pour se ressourcer à Londres après avoir appris que son mari la trompait. Pour se changer les idées, elle participe à des fouilles au bord de la Tamise organisées par un groupe d’archéologues amateurs, où elle trouve une fiole du XVIIIe siècle avec un motif d’ours. C’est en faisant des recherches que Caroline découvre petit à petit l’histoire de Nella. Le choix de la double temporalité aurait pu être judicieux pour apporter un peu de suspens à l’enquête et nous permettre de découvrir en même temps que Caroline le fin mot de l’enquête, toutefois la narration piétine, c’est très mou et le personnage de Caroline n’est pas du tout attachant.



J’avoue avoir été moins emballée par cette partie de l’histoire, d’une part moins intéressante pour moi par rapport à l’histoire de Nella et Eliza, d’autre part parce que l’enquête que mène Caroline est trop facile et peu crédible, et en même temps occultées par les problèmes conjugaux de Caroline.



Premièrement, j’ai du mal à croire que Caroline puisse trouver lors de son premier jour de fouilles une fiole alors que les locaux, qui fouillent depuis des années, peinent à trouver des objets, et qu’en moins d’une semaine Caroline ait tout découvert sur l’histoire de Nella. J’ai également du mal à croire qu’on puisse trouver une fiole en verre datant de plus de trois siècles encore en parfait état, ou que Caroline puisse trouver, avec l’aide de son téléphone, une échoppe du XVIIIe siècle qui a miraculeusement survécu dans un quartier d’affaires de Londres, une ville en perpétuel mouvement qui a subi de nombreux travaux et transformation. Quoi, tout Londres se serait modernisé mais serait passé à côté d’une vieille boutique tandis que les bâtiments autour ont été détruits ou remodelés ? Sans oublier que Caroline, avec juste son téléphone portable et quelques recherches sur internet, et une bibliothécaire qui la considère comme sa BFF en moins de 48h, réussi à découvrir toute l’histoire ? Ce n’est pas crédible du tout. Mais peut-être était-ce la raison de la tromperie de son mari, pour que Caroline ait une chance de cocue.




Ajoutons à cela que Caroline parle un peu trop de son mari. Je veux bien croire qu’il est très difficile de cesser d’aimer quelqu’un qu’on aime depuis des années, malgré une tromperie, mais tout de même… quand son mari la rejoint à Londres, elle le laisse partager sa chambre d’hôtel, elle le laisse l’accompagner quand elle sort manger, et quand Monsieur est malade, Madame est aux petits soins... Madame, vous n’êtes pas rancunière du tout !



Je ressors donc déçue de ce roman, ce qui est dommage car l’auteure avait tout de même réussi à capter mon attention pendant une bonne partie du roman et le thème sur une serial killer qui agit pour la cause des femmes, la promesse d’une enquête autour des empoisonnements dans un Londres historique étaient alléchants ! J’aime beaucoup le principe de base, mais le mystère vendu dans le résumé est très surestimé et l’intrigue manque de profondeur à mon sens, tout est cousu de fil blanc, voir peu crédible, et cela aurait mérité plus de profondeur tant au niveau de l’intrigue que des personnages. Sans oublier que le féminisme qu’on proclame est relatif. Je m’attendais à autre chose. Heureusement que la plume est agréable et ce voyage dans le temps a été plaisant. Je n'en garderai cependant pas un souvenir mémorable.


Je ne connaissais ni son âge ni son adresse. Ni sa place dans la société ni les troubles qui la hantaient en rêve quand la nuit tombait. Victime ou pécheresse. Jeune épouse ou veuve vengeresse. Servante ou courtisane.

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