Avec ses robes chic et son rouge à lèvres, Noemí semble plus à sa place aux soirées mondaines de Mexico que dans une enquête de détective amateur. Elle n’a pourtant peur ni de l’époux de sa cousine, un homme à la fois troublant et hostile, ni du patriarche de la famille, fasciné par son invitée… ni du manoir lui-même, qui projette dans les rêves de Noemí des visions de meurtre et de sang.
Car High Place cache bien des secrets entre ses murs. Autrefois, la fortune colossale de la famille la préservait des regards indiscrets. Aujourd’hui, Noemí découvre peu à peu d’effrayantes histoires de violence et de folie.
Je pensais attendre le prochain Pumpkin Autumn Challenge pour me mettre ce roman sous la dent, mais des avis enthousiastes sur Tumblr m’ont poussé à découvrir ce titre plus tôt.
Il est vrai que ce roman serait parfait pour la période automnale / Halloween. Une ambiance purement gothique avec son manoir lugubre et sinistre, son cimetière brumeux, un huis-clos oppressant, une famille avec de sombres secrets et ses fantômes, une rumeur de malédiction… Autant dire que notre héroïne, avec sa joie de vivre et ses robes colorées, va être mise à rude épreuve !
Noemi est une jeune femme qui profite des joies de la vie et qui chérit sa liberté et son indépendance dans le Mexique des années 1950 et qui préfère les études et les soirées festives à la perspective du mariage. Elle n’aime rien de plus que les villes qui grouillent de monde, la musique, les jolies robes, faire des rencontres. Quand son père reçoit une lettre troublante et confuse de la part de la cousine Catalina, il envoie Noemi dans le manoir où elle réside avec la famille de son mari, les Doyle. À son arrivée, Noemi découvre un manoir lugubre et malaisant et des habitants tout aussi dérangeants. Virgil, le mari de Catalina, un homme froid, obscur et autoritaire. Florence, la maîtresse de maison, une femme stricte qui surveille Catalina comme un vautour et qui impose le respect des règles de maison. Howard, le patriarche, un vieil homme malade et obsédé par l’eugénisme et la pureté des races. Puis, il y a Francis, le cadet, un jeune homme doux et sensible qui diffère par sa gentillesse peu conforme à l’endroit et au reste de la famille Doyle.
Au manoir, rien n’est fait pour que Noemi se sente la bienvenue. Ses visites à Catalina sont surveillées ou chronométrée. Le manoir est une bâtisse délabrée où sévissent des mœurs austères d’un autre temps et qui ne dispose pas du confort moderne. Noemi ne peut se rendre en ville sans chaperon. La famille Doyle, à l’exception de Francis, n’est guère accueillant avec Noemi. Quant à Catalina, elle est bien mal en point, elle nous apparaît comme apathique lorsqu’elle n’entend pas des voix. Un mal que l’héroïne semble commencer à avoir… ses étranges cauchemars qui semblent réels dans lesquels la maison l’étouffe et des entités lui parlent…
‘Mexican Gothic’ de Mia Araujo. |
Le gros problème du roman est son rythme. Pendant une bonne partie de l’histoire, il ne se passe pas grand-chose avant que tout ne s’accélère à la fin. Plus de la moitié du roman sert à planter le décor, à décrire les personnages. Quelques éléments titillent notre intérêt lorsque Catalina évoque les voix qu’elle entend, les cauchemars de Noemi pendant ses nuits au manoir, les rumeurs et histoires autour de la famille Doyle. Il est aussi question de champignons et de moisissures, qui contribuent à la fois à l’aspect lugubre du manoir mais qui auront leur importance dans l’intrigue.
Si l’on s’attend à de l’action, à des péripéties, il faudra prendre son mal en patience car le roman mise avant tout sur son ambiance purement gothique et mystérieuse. L’auteure prend le temps d’installer une atmosphère angoissante et malaisante et c’est efficace. Le manoir de High Place, décati, froid et humide, est décrit quasiment comme une entité à part entière, oppressante et dangereuse. Le roman m’a séduite par son ambiance purement gothique et horrifique, flirtant avec le fantastique. Si la première moitié m’a paru lente, l’arrivée des éléments surnaturels a amélioré ma lecture. C’est donc un roman horrifique, pas tant dans le sens où le but est de terrifier le lecteur, mais davantage dans l'ambiance, cette atmosphère malsaine et oppressante qui met mal à l'aise. Mais l'horreur passe aussi bien à travers certains thèmes abordés au cours du roman [spoiler] inceste, cannibalisme, fausse couche, suicide et autres joyeusetés [/spoiler], donc prudence aux âmes sensibles !
Le roman parvient à maintenir son suspense jusqu’au bout concernant la raison du mal-être de Catalina et les secrets et déviances de la famille Doyle. Il faut dire que ce sont de drôles de lascars ! Famille originaire d’Angleterre, venue chercher fortune au Mexique, qui a trouvé sa richesse en faisant exploiter des mines d’argent. Mines qui ont du fermer suite à une étrange épidémie, après une tentative de soulèvement de ses ouvriers. Ajoutons à cela que la famille Doyle a eu son lot de drames et qu’elle vit désormais recluse, figée dans les mœurs d’un autre temps. On est tenu en haleine pour connaître ce qui se cache derrière l’univers mystérieux du manoir et découvrir les secrets sombres de cette famille tordue.
Francis Doyle et Noemi Taboada (art de Basicbard sur Tumblr) |
Le roman présente également une fantaisie originale. J’ai beaucoup aimé l’idée que [spoiler] les champignons, évoqués dans le roman, soient la cause de ce mal, qu’ils entrent en symbiose avec leurs hôtes – soit des membres de la famille Doyle qu’ils choisissent – et qui capte les pensées et souvenirs de ses hôtes et a le pouvoir d’influencer l’esprit des habitants de High Place, avec des cauchemars ou des hallucinations. Cela m’a rappelé l’arbre dans L’île aux mensonges, mais une version beaucoup plus maléfique [/spoiler].
Concernant les personnages, ils sont plutôt bien campés. Noemi est aventureuse et intelligente, bien décidée à ne jamais se laisser marcher sur les pieds, débrouillarde et cultivée qui a touché un peu à tout, notamment dans les sciences. Francis est le seul membre de la famille Doyle que l’on prend en sympathie et que l’on a envie de protéger contre sa propre famille. Francis m’a beaucoup touché et intrigué, et j’ai aimé l’évolution de sa relation avec Noemi. On se prend d’empathie pour Catalina qu’on espère voir se rétablir et libérée de l’influence néfaste du manoir. Quant aux autres membres de la famille, ils remplissent leur rôle.
Il m’a manqué un je-ne-sais-quoi pour que Mexican Gothic soit un coup de cœur, mais ça reste tout de même une bonne lecture ! Si le début m'a paru un brin trop lent, l’atmosphère pesante, due aux mystères qui entourent High Place, l’ambiance purement gothique, et les secrets de famille qui se dévoilent petit à petit, font peu à peu le job et l’histoire se fait finalement prenante !
Lorsque Noemí était encore petite fille et que Catalina lui lisait des contes de fées, cette dernière évoquait souvent « la forêt », l’endroit où Hansel et Gretel jetaient leurs morceaux de pain, ou le Petit Chaperon rouge croisait la route du loup. Enfant de la ville, Noemí avait compris sur le tard que les forets existaient réellement et pouvaient être placées sur une carte. Sa famille passait les vacances dans l’Etat de Veracruz, en bord de mer, sans l’ombre d’un grand arbre en vue. Même après toutes ces années, la forêt restait associée dans son esprit aux images des livres pour enfants, avec lignes au fusain et à-plats de couleur.
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