samedi 23 novembre 2024

L'Épouvanteur (T.8) Le Destin de l'épouvanteur - Joseph Delaney.



L'épouvanteur, Tom et Alice partent dans le sud de l'Irlande pour fuir la guerre qui ravage le comté. La seule chose qui protège Tom et Alice est la fiole de sang. S'ils s'éloignent de trop ou si la fiole est brisée, ils seront à la merci du diable.

Pendant ce temps, Tom est recruté pour faire face à une alliance maléfique de mages, et prend possession de la Lame de l'Épouvanteur. Une épée avec une face sombre et qui a soif de son propre sang ... C'est la seule arme qui a une chance de battre le Diable en combat. Mais d'abord, Tom a besoin de s'entrainer, et la seule personne qui peut l'aider est Grimalkin, la sorcière assassin. Viendra-t-elle ?




Obligés de fuir l’île de Mona, John Grégory, l'Epouvanteur, Tom son jeune apprenti et la jeune sorcière Alice se dirigent maintenant vers l’Irlande, ne pouvant toujours pas retourner chez eux à cause de la guerre. Comme nous nous en doutons, ce séjour ne sera pas de tout repos pour nos personnages qui doivent empêcher les Mages d’Irlande d’accomplir un sombre rituel visant à invoquer le dieu Pan, mais Pan n’est pas ici leur seule préoccupation car, au dehors, le Malin rôde toujours, menaçant plus que jamais de faire sombrer le monde dans l’Obscur.

 

C’est toujours un plaisir de me plonger dans un tome de L’Epouvanteur, j’ai toujours la garantie de passer un bon moment. C’est une série que, sans faire partie de mes coups de cœur, j’aime beaucoup pour sa forme et son contenu. 

 

Comme à son habitude, l’auteur nous met dans le vif du sujet dès les premières lignes. Nous n’avons pas le temps de nous ennuyer. La lecture reste fluide et l’auteur n’édulcore rien, comme il nous a habitué. C’est un univers très sombre où nos personnages évoluent parmi des sorcières redoutables, des gobelins suceurs de sang, de mauvais esprits, ou d’humains perfides. Ce tome est plus sombre et violent que les précédents : sacrifices humains, tortures à la fois physiques et mentales, morts violentes… et jamais Tom et Alice n’auront été autant malmenés ou désespérés que dans ce tome. D’ailleurs, l’amitié inconditionnelle qui les unit est incontestablement le point fort de ce tome, voire même de la saga. Ils sont vraiment prêts à tout l’un pour l’autre et ne peuvent vivre l’un sans l’autre et leur relation ne peut que me toucher. Ils sont d’ailleurs forcés ici à faire des choix dont les conséquences morales deviennent lourdes à porter. Ce tome et surtout sa fin m’a fait m'interroger sur le devenir de nos jeunes héros, et surtout celui d’Alice.


Je déplore cependant le fait qu’Alice semble prendre un peu plus le devant sur l’intrigue par rapport à Tom, mais peut-être n’est-ce qu’une impression. Je suis quand même curieuse de voir de quoi sera fait l’avenir de notre sorcière, surtout vu le changement qui s’est opéré en elle dans ce tome. J’ai aussi apprécié voir Tom plus débrouillard, même s’il continue de tomber dans des pièges qui me semblent évident. J’aimerais bien que Tom arrête d’écouter des inconnus suspects lui demandant de le suivre, en abandonnant armes et bagages, ou même de sortir sans son bâton, la chose la plus précieuse qu’un Epouvanteur possède. Il est quand même censé avoir gagné en expertise et en maturité, que diable ! Pourtant, je l’adore ce personnage, c’est pour ça que ça m’exaspère qu’il continue à tomber dans les mêmes pièges que dans les premiers tomes.

 

J’ai retrouvé avec plaisir Grimalkin qui se joint ici à Tom et l’Epouvanteur dans la lutte contre le Malin, et quel combat ce fut ! Je n’ai pas boudé mon plaisir, c’était une confrontation de la plus haute intensité et l’issue de cette nouvelle rencontre avec le Malin laisse présager des choses intéressantes pour la suite. Je suis curieuse de voir comment l’univers va continuer à évoluer avec ce nouveau bouleversement dans l’intrigue.

 

Ce tome nous ouvre de nouvelles perspectives pour l’avenir de nos personnages et je suis curieuse de voir comment la série va continuer d’évoluer. La suite au prochain épisode.


« Cela me tourmente que la magie noire soit la seule arme pour les jaboteurs. Mais peut-être les choses sont-elles en train de changer. Peut-être l'avenir offrira-t-il aux épouvanteurs une façon différente de combattre, en utilisant l'obscur contre l'obscure. Pour moi, je ne le supporterais pas, mais je suis d'une autre génération. J'appartiens au passé; toi, petit, tu représentes le futur. »

dimanche 17 novembre 2024

Bazaar - Stephen King.



Castle Rock est une petite ville paisible du nord-est des Etats-Unis. La vie s'y déroule sans surprise jusqu'au jour où un étrange commerçant vient y ouvrir Le Bazaar des rêves. Chacun peut venir y acquérir l'objet de ses rêves, et pour trois fois rien. Un simple petit supplément est demandé à l'acheteur : de faire une farce à la personne de son choix. Histoire de rire...

Mais ces plaisanteries apparemment anodines vont provoquer des réactions en chaîne. La violence se déchaîne, la haine et la folie ne cessent de croître et, finalement, c'est toute la ville qui est bientôt à feu et à sang.

Qui pouvait réussir un tel exploit sinon le Démon ?




Il n’y a que Stephen King pour rendre horrifique à souhait une histoire sur le consumérisme.


Cela faisait un moment déjà que je prévoyais de lire ce roman, après avoir été conquise par son adaptation cinématographique (celle-ci a pris quelques libertés que je lui pardonne bien volontiers, car j’ai passé un très bon moment).


Bazaar ? Qu’est-ce que c’est que ce bazar ?


À Castle Rock, une boutique fait parler d’elle avant même son ouverture… Il s’agit du Bazar des Rêves. Le gérant et vendeur, Monsieur Leland Gaunt, est tout ce qu’il y a de plus charmant et avenant. Tout ce dont votre cœur désire, même si vous n’en rêviez pas auparavant, le Bazar des rêves le propose et ce, pour un prix dérisoire. Mais il n’est pas question d’argent. Monsieur Gaunt vous demandera simplement, en échange, de lui rendre un service, faire une petite blague aux dépens de quelqu’un, par exemple… Rien de bien méchant, n’est-ce-pas ? Sauf que ces petites blagues sont destinées à monter petit à petit les habitants les uns contre les autres, alimentant de plus en plus de feu des tensions et de l’animosité… jusqu’à ce que l’étincelle explose, mettant la ville à feu et à sang. Comme possédés, les habitants se révèlent en effet prêts à tuer pour la possession de l’objet convoité.


Bazaar, c’est l’histoire d’une longue descente aux Enfers pour Castle Rock et ses habitants. C’est l’histoire d’un antagoniste qui, tel un marionnettiste, manie avec dextérité les fils auxquels sont reliés les habitants. Il sait parfaitement lire en eux, découvrir leurs désirs et les animosités et en jouer. C’est un véritable maître de la séduction et de la manipulation. Il est tout simplement diabolique mais qu’est-ce que je l’aime, ce Gaunt. Je le figure dans mon top trois des meilleurs méchants de King avec Kurt Barlow (Salem) et Pennywise le clown (Ça). C’est un méchant très réussi, et j’ai été fascinée par les quelques brides que King nous a donnés concernant la véritable nature de Gaunt. Je n’ai qu’un seul regret, c’est que la rencontre entre Gaunt et le shérif Pangborn ait tant tardé à se mettre en place, mais il faut dire que Gaunt se méfiait du shérif comme la peste et l’a perçu dès le début comme un adversaire redoutable. J’ai beaucoup aimé la scène où il essayait indirectement de tenter Pangborn et comment Pangborn est le seul à avoir su résister, non sans mal.



Art by sharpt00th sur tumblr (source) qui imagine Leland Gaunt
sous les traits de Vincent Price (ce rôle lui aurait bien convenu, avouons-le)


Stephen King oblige, on retrouve ici une petite bourgade du Maine où tout le monde connaît tout le monde. Il nous présente chaque personnage, sa petite vie, ses petits secrets, ses défauts, ses qualités, les vices aussi. Il y a une panoplie de personnages, si bien qu’il est aisé de s’y perdre et de retenir qui est qui… et qui a acheté quoi en échange de quoi auprès de notre cher Leland Gaunt. Parmi les personnages récurrents, nous avons le shérif Alan Pangborn, le seul dont Gaunt évite la confrontation, Polly Chalmers la petite-amie du shérif et qui souffre d’arthrite, Nettie Cobb et son amour de molosse, le petit Brian qui est le premier client qui ouvre la machination du Bazaar des rêves, Hugh Priest alcoolo détestable et détesté, Wilma Jerzyck, fermière avec un sale caractère, etc.

 

J’avais des craintes, au début du roman, quant au nombre de personnages mis en scène, mais elles se sont évanouies avec le plaisir de lecture, tellement elle était addictive. Il y a une forme d'intensité particulière dans ce roman. La façon dont tous les citoyens perdent peu à peu l’esprit au profit de leur désir, de leur objet de convoitise et le plan de Gaunt pour semer le chaos à Castle Rock est tout simplement diabolique et intelligent.

 

Je n’ai plus rien à dire sur le style de l’auteur. J’aime toujours autant son écriture et son imagination et je le considère comme un grand écrivain. L’histoire prend certes du temps à se mettre en place mais le final est digne des plus grandes catastrophes. D’ailleurs, le côté horrifique ne se situe pas seulement dans l’horreur des machinations de Gaunt, mais aussi à travers des scènes qui peuvent heurter la sensibilité [spoiler] j’ai d’ailleurs sauté le passage de la mort du chien de Nettie, et j’ai tout simplement été horrifiée de la scène avec l’araignée [/spoiler]

 


Bazaar (Needful Things en VO) a été adapté une fois au cinéma 
en 1993, il prend le titre de Bazaar de l'Epouvante en VF


Stephen King a en outre la volonté de dénoncer certains maux comme les dérives des sociétés de consommation, comme l’avait fait notre Alain Souchon national avec sa Foule sentimentale, qui poussent les hommes à faire le pire pour posséder ce qu’ils désirent et réaliser leur rêve.

 

En résumé, j’ai passé un excellent moment de lecture, malgré les longueurs. Bazaar est pour moi l’un des meilleurs romans de Stephen King et l’un de mes préférés (même si rien, pour le moment, ne saurait détrôner Salem).



Leland Gaunt se voyait en électricien de l’âme humaine. Dans une petite ville comme Castle Rock, tous les fusibles étaient sagement alignés dans leurs boîtes. Ne restaient qu’à ouvrir celles-ci… et à entrecroiser les branchements.