jeudi 29 mai 2025

Le restaurant des recettes oubliées - Hisashi Kashiwai.


Caché dans les ruelles de Kyoto se trouve le petit restaurant des Kamogawa d’où s’élèvent d’exquises odeurs de riz cuit, de nabe et de légumes sautés. En plus de savoureux repas faits maison, Nagare et sa fille Koishi proposent une expérience qui sort de l’ordinaire : reproduire un plat que leurs clients ont en mémoire, mais dont la recette est depuis longtemps oubliée. 

Nabeyaki udon, sushis au maquereau, tonkatsu ou spaghettis à la napolitaine... pour chaque nouveau plat, la famille Kamogawa enquête et propose à ses convives de déguster une nouvelle fois les délicieux mets qui ont marqué leur vie. 

Et grâce à un soupçon de magie, ces saveurs perdues enfin retrouvées permettent de rêver à de nouveaux départs.



Lecture non prévue et de dernière minute pour boucler le Blossom Spring Challenge, Le restaurant des recettes oubliées n’en demeure pas moins une petite découverte sympathique.


Le roman propose un concept intéressant dans lequel nos protagonistes principaux, un père et sa fille, tiennent un restaurant mais aussi une agence d’enquêteurs gastronomiques. En plus de servir des repas faits maison, ils proposent à leurs convives de reproduire un plat qui les a marqué, qu’il s’agisse d’un repas de leur enfance, d’un met concocté par un être cher, ou qui est lié à un souvenir ou une personne.


Le roman est composé de six histoires dont le schéma reste le même. Le client trouve le restaurant, mange ce qui lui est proposé, puis le client est interrogé sur le plat qu’il souhaite retrouver. Origine des produits, temps de cuisson ou de préparation des ingrédients, lieu où le plat a été dégusté, en quelle compagnie, à quelle période de l’année, etc. Chaque détail, même minime, a son importance pour pouvoir recréer le plat. Ensuite, nos deux protagonistes donnent rendez-vous au client 15 jours après. Ensuite, le client revient, goûte le plat qu’il désirait et qui a été préparé par nos restaurateurs et ces derniers expliquent comment le cuisinier a mené son enquête et est parvenu à recréer le plat en question.


Le schéma répétitif des histoires peut déplaire. Pour ma part, comme il ne s’agissait que de six histoires, et que chaque plat et chaque client étaient différents, cela ne m’a pas gêné. Je regrette cependant de ne pas voir Nagare enquêter et que celui-ci se contente juste de raconter à ses clients son procédé. De ce fait, nous ne sommes que de distants spectateurs dans ce roman.


Je trouve aussi le concept du restaurant en lui-même étrange. C’est un restaurant caché, il n’a pas d’enseigne et ne dispose que d’une seule publicité qui en dit peu, et qui se revendique comme difficile à trouver et s’y complaît, ne désirant pas recevoir beaucoup de clients et semblant se contenter d’une petite poignée de clients, voire un à la fois. Koishi et Nagare imposent aussi le plat au client s’il vient pour la première fois et, seulement si le plat lui plaît et si le client décide de revenir une nouvelle fois, il sera servi le plat de son choix. Ça me semble bizarre et peu crédible mais, après tout, peut-être existe-t-il des restaurants avec le même concept.


Certains lecteurs ont déploré le peu d’informations sur Koishi et son père Nagare, ce ne fut pas mon cas. Je n’ai pas réussi à m’attacher à eux, je les ai même trouvé un peu antipathiques. Ils râlent souvent sur leur chat, Roupillon, parce qu’il agissait comme un chat et père et fille (mais surtout la fille) avaient parfois un comportement sec ou colérique envers les clients, surtout Koishi envers son propre père ou lorsqu’elle interrogeait les clients et qu’elle était frustrée ou irritée de leur réponse.


Cela dit, la force du roman ne repose pas tant sur les personnages mais sur son concept (retrouver des plats disparus de la même façon qu’une enquête policière) mais aussi son ambiance très dépaysante qui nous fait voyager au Japon, et qui nous fait découvrir davantage sa culture mais aussi et surtout la gastronomie (à noter que ce roman parle aussi de plats occidentaux). Et, ce qu’on peut dire, c’est que ça donne faim ! Chaque chapitre nous donne envie de nous replonger dans les plats de notre enfance ou bien de déguster de bons plats japonais et, là, je vous avoue, j’ai très envie de gyozas au poulet et de karaage, mais je m’interroge tout de même : si je pouvais déguster un plat associé à un souvenir, lequel choisirais-je ?


Ce que je retiendrais donc surtout du roman, c’est son ambiance japonaise dépaysante et son concept original qui permet, à chaque chapitre, de replonger dans le passé de chaque client et de lui faire revivre les émotions qui accompagnent la dégustation d’un plat qui l’a marqué et qui était préparé par un être cher. C’est la preuve qu’un plat est plus qu’un moyen de se nourrir, c’est vecteur de souvenirs, de nostalgies. On peut rattacher un plat à une personne, à un lieu, à un souvenir, quelque chose de très cher. Un plat peut nous rappeler un premier rendez-vous galant, notre enfance, un parent.


C’est très doux-amer car, dans ces histoires, il y a parfois un goût de regret. Une personne à jamais disparue, un plat que l’on mange pour la dernière fois avant de changer de vie, quelque chose d’inachevé. J’ai bien aimé l’histoire du client qui veut manger une dernière fois au plat de son épouse décédée avant de mener une nouvelle vie dans une autre région et avec sa nouvelle compagne, mais aussi l’histoire du business man qui veut retrouver le ragoût au bœuf de sa mère, et sa relation avec sa belle-mère.


En somme, un roman court et sympathique qui se lit avec fluidité, avec un concept original et une ambiance dépaysante. Je trouve cependant dommage qu’on ne s’attache pas aux personnages et qu’on ne soit que des spectateurs distants car il n’y a pas réellement d’enquête à suivre, on se contente juste d’attendre que Nagare explique son procédé à ses clients. Ça reste une petite lecture sympathique et qui ouvre l’appétit !


Les gens prennent facilement les choses pour acquises. Même s’ils jugent qu’un nouveau plat est bon, peu à peu, cela devient banal. Il ne faut jamais oublier son premier ressenti.

jeudi 8 mai 2025

Dot de Sang - S. T. Gibson.


Dans les décombres d'un village ravagé par la guerre, un mystérieux inconnu arrache Constanta, simple paysanne, aux bras de la mort. Elle devient en un instant l'épouse d'un immortel, qui lui offre le baiser éternel du vampire. Rien dans sa courte vie ne l'avait préparée à l'intensité de l'amour qui naît alors entre eux. Ensemble, ils vont traverser les époques et goûter aux plus grands délices du monde.


Mais bien qu'ils soient tous deux insensibles au passage du temps, les sentiments de Constanta vont quant à eux être peu à peu souillés par le doute... Est-elle vraiment maîtresse de son destin ? Pour retrouver sa liberté, elle devra oser le plus grand des sacrifices.




Un bon petit roman vampirique à se mettre sous la dent et qui raconte l’histoire de Constanta, sauvée de la mort par un mystérieux individu qui lui offre l’immortalité à ses côtés. Simple paysanne, Constanta devient maîtresse d’un château et l’épouse d’un homme à qui elle doit tout. Ensemble, ils vont traverser l’Europe et les siècles, découvrir les différents chamboulements de l’Histoire, et se lier à d’autres personnes qui les rejoindront dans ce long chemin qu’est l’éternité.


Une belle histoire d’amour ? Pas forcément.


Il s’agit bien de l’histoire de Constanta, épouse d’un maître vampire à qui elle doit tout et qu’elle suit avec amour et dévotion, supportant l’ignorance dans lequel il la met concernant ses pouvoirs et sa nature de vampire, mais aussi sa jalousie, sa possessivité, ainsi que la passivité de Constanta face à son emprise, les excuses qu’elle lui trouve, et les manipulations de son époux qui rejette la faute sur elle ou minimise ses tourments émotionnels.


Au cours de leur longue vie, deux compagnons se joindront à eux. Tout d’abord Magdalena, jeune femme pétillante et habile dans la politique, puis Alexi, jeune homme qui croque la vie, et qui subiront également l’emprise de leur époux possessif qui cherche à les isoler du monde et les garder sous son influence. Peu à peu, les trois compagnons vont se faner sous le joug et l’amour écrasants de cet époux autoritaire… jusqu’aux premières étincelles de rébellion.


Au-delà donc de l’aspect fantastique du roman, celui-ci traite donc de maltraitance domestique et conjugale qui ne se fait pas forcément sur le plan physique (rarement le maître vampire lève la main sur ses conjoints) mais plutôt psychologique car il maintient ses conjoints dans l’ignorance, il les rabaisse, il les isole, il y a aussi du gaslighting, de la manipulation psychologique. Il est à la fois un mari aimant (car il aime ses compagnons immortels, à sa façon tordue, possessive et autoritaire) mais aussi un bourreau.


On plonge dans un univers sombre, tantôt cruel, tantôt sensuel. D’ailleurs, l’auteure nous dresse une liste d’avertissement en début de roman, ce que je trouve appréciable.


L’histoire est narrée par Constanta qui s’adresse à son époux, « son amour, son bourreau », une histoire d’amour puis de haine, et comment il était son protecteur et son bourreau à la fois, comment il l’a sauvé puis protégé et couvert d’amour avant de la couper du monde extérieur pour devenir son seul centre de gravité, puis le schéma qu’il a répété avec les deux autres compagnons. J’ai aimé voir les étincelles de rébellion s’installer petit à petit. Ce n’est pas une décision prise du jour au lendemain. Nos trois compagnons vont avoir du mal à se décider à sauter le grand pas en faisant l’interdit, c’est-à-dire tuer leur bourreau, car il y a la crainte de ne pas survivre sans lui, ne pas savoir comment vivre dans ce monde inconnu, la crainte d’échouer et les représailles, puis enfin les transgressions qu’ils vont faire, les petits actes de rébellion, les désobéissances, comment ils cherchent à en apprendre plus sur leur nature et leurs pouvoirs.


Je tiens également à féliciter l’auteure sur la prouesse d’avoir écrit un roman sur les épouses (enfin épouses et époux) de Dracula sans mentionner une seule fois le nom du vampire. On ne devine que c’est lui uniquement parce que les Harker sont mentionnés une fois, ce qui laisse donc supposer que ce roman est une réécriture et une réadaptation de Dracula puisque ses compagnons ne meurent pas dans le roman [spoiler] et que ce sont eux qui tuent Dracula et non les Harker et leurs amis  mais du coup, j’avais espéré que les événements du roman d’origine soient évoqués et comment l’auteure a choisi d’adapter ces événements car on ne comprend pas comment Dracula a survécu à Van Helsing et cie, s’il a simulé sa mort, etc. On a rien de tout cela, ce qui est frustrant [/spoiler]


J’ai également été un peu déçue de la fin du roman et de la direction qui a été prise [spoiler] par exemple je ne comprends pas que les trois compagnons décident de vivre leur vie de leur côté, ou que Constanta décide de transformer d’autres personnes, ou que Magdalena se serve d’un humain comme serviteur et amant, ce que j’ai trouvé étrange, surtout après leur passé auprès de Dracula. J’aurais trouvé plus cohérent que les trois soient restés ensemble vu l’amour qu'ils se portent [/spoiler]


Toutefois, j’ai aimé le fait qu’il y ait une relation polyamoureuse entre les compagnons eux-mêmes, et pas uniquement avec Dracula. Il y a une relation touchante entre ConstantaMagdalena et Alexi, faite d’amour, de désir, de passion et de complicité, avec un besoin profond de se soutenir mutuellement.


C’est un roman qui se dévore, en tout cas ça l’a été pour moi. L’écriture est fluide, envoûtante et poétique. J’ai été happée par l’ambiance gothique qui se dégage du roman, et j’ai aimé suivre Constanta et découvrir son histoire et la voir reprendre petit à petit sa vie en main. En outre, j’ai beaucoup aimé ma lecture !


J'ai su à cet instant que j'irais jusqu'en enfer pour glaner le moindre de vos moments de faiblesse, aussi infimes soient-ils. Qu'y a-t-il de plus charmant, après tout, qu'un monstre vaincu par le désir ?


lundi 21 avril 2025

La Vie secrète des arbres - Peter Wohlleben, Fred Bernard et Benjamin Flao.


Peter Wohlleben est le forestier le plus célèbre du monde, auteur du best-seller La Vie secrète des arbres, traduit dans plus de quarante langues. Ce livre est son histoire.

Avec un formidable talent de conteur, il nous plonge dans l'intimité des arbres, jusqu'à leurs racines. Au fil des pages, il nous entraîne à la découverte de l'extraordinaire fonctionnement de la forêt : comment les arbres interagissent, communiquent, se déplacent et se défendent.

La Vie secrète des arbres nous donne accès à un monde merveilleux mais fragile.

Protéger les arbres, c'est protéger l'humanité tout entière.




Cette bande-dessinée est une adaptation du livre du même nom de Peter Wohlleben, un ingénieur forestier allemand qui nous parle de sa vie, de son amour des arbres et de la nature, et de tout ce qu’il y a à savoir sur les arbres.


Cet ouvrage se présente comme une véritable petite Bible des arbres dans lequel l’auteur nous communique sa passion et son savoir. On en apprend notamment sur les différentes espèces d’arbres, comment ils vivent en forêt comme en ville, comment ils grandissent (un processus pas si évident qu’il n’y paraît), comment ils se reproduisent, comment ils migrent, comment ils communiquent entre eux, comment ils survivent et font face au danger (intempéries, incendies, parasites, etc), mais aussi leur vie sociale (entre eux ou avec les animaux) et les bienfaits des arbres pour nous mais aussi pour la Terre et l’écosystème.


Ce que je peux reprocher à cette bande-dessinée est l’accumulation d’informations. On a en effet un trop plein d’informations parfois décousues et redondantes et qui sont présentées de façon trop académique. J’ai parfois du persévérer dans ma lecture, et il m’a fallu faire de nombreuses pauses. Ce n’est pas un livre qu’on peut lire en une fois car, malgré son format bande-dessinée, la lecture n’est pas toujours fluide, et c’est parfois difficile d’assimiler toutes les informations.


Pourtant, le sujet est passionnant ! N’allez pas croire que j’ai passé un mauvais moment, bien au contraire. J’ai beaucoup aimé en apprendre davantage sur la vie et le fonctionnement des arbres. J’ai appris beaucoup de choses intéressantes et je vois les arbres d’une autre façon à présent !



Ce sont des organismes qui sont plus complexes et intéressants qu’on pourrait le croire de prime abord. Bien que dépourvus de cerveaux, ils sont capables d’apprendre et de mémoriser certaines expériences. Quand un arbre est attaqué par des insectes par exemple, il peut apprendre à se défendre ou à mieux se protéger. C’est notamment le cas des hêtres et des chênes quand trop de sangliers dévorent leurs glands : pendant quelques années, ils vont produire beaucoup moins de glands, forçant leurs prédateurs sangliers à aller chercher à manger ailleurs. Une fois la menace éloignées, ces arbres se remettent à produire. Nous avons aussi des arbres qui rendent leurs feuilles toxiques quand elles sont mangées par des girafes, mais aussi comment certains arbres peuvent développer une écorce épaisse pour se débarrasser de parasites comme les champignons ou des bactéries.


Les arbres sont également capables de communiquer entre eux grâce à un réseau de racines combinées à celles de leurs congénères ou bien grâce à des molécules volatiles, et se prévenir en cas de danger (quand un animal mange leurs feuilles par exemple). En forêt, la communauté des arbres résiste plus facilement car ils s’épaulent et peuvent s’appuyer sur leurs voisins tandis que des arbres plus isolés sont plus fragiles face aux intempéries et autres menaces, ce qui me fait me sentir triste pour les arbres des villes qui ne s’épanouissent pas comme les arbres dans les forêts et qui sont plus isolés et dans un environnement moins sain (l’air est moins pur en ville qu’en forêt).


C’est aussi un ouvrage biographique car l’auteur revient sur sa vie depuis son enfance et son attirance pour le monde forestier depuis le plus jeune âge, son déménagement à la campagne, son métier d’ingénieur forestier qui l’a conduit à utiliser les arbres comme des produits à utiliser, pour le profit, ce qu’il a détesté faire, et comment il en est venu à gérer enfin la forêt de sa ville comme il l’entendait, et faire mieux connaître à la population ce monde qui le fascine tant et les sensibiliser à cette cause qui lui est si chère. J’ai beaucoup aimé cet aspect biographique et la passion de l’auteur est communicative.



L’auteur a aussi parfois un discours alarmiste et provocateur, à raison car on ne peut pas lui reprocher de souligner le maintien fragile de l’écosystème et comment l’Homme traite l’arbre et la nature, davantage comme une source de profit que quelque chose à respecter, à chérir et à protéger. Heureusement, malgré ce discours alarmiste, il nous partage tout de même quelques nouvelles rassurantes et que, même si la situation est inquiétante, il y a des progrès, une prise de conscience, des tentatives d’amélioration.


En outre, une bande-dessinée instructive et passionnante, une véritable plongée dans le monde des arbres qui est constitué de secrets et de richesses insoupçonnés, mais des informations pas toujours présentés de la façon la plus attrayante qui soit. C’est un livre à lire à son rythme, en prenant son temps pour assimiler toutes les informations données. Cela dit, c’était instructif et les dessins, sans être époustouflants, font leur travail. On voit les arbres d’une autre façon, et ça donne envie d’un bon bol d’air frais en forêt !


mardi 8 avril 2025

Sa Majesté Mène l'Enquête (T.1) Bal tragique à Windsor - S.J. Bennett.


Windsor, printemps 2016. La reine Elizabeth II s'apprête à célébrer ses 90 ans et attend avec impatience la visite du couple Obama. Mais au lendemain d'une soirée dansante au château, un pianiste russe est découvert pendu dans le placard de sa chambre, quasiment nu.

Shocking ! Quel scandale si la presse l'apprenait ! Lorsque les enquêteurs commencent à soupçonner son fidèle personnel d'être impliqué dans cette sordide affaire, Sa Majesté, persuadée qu'ils font fausse route, décide de prendre les choses en main. Mais être reine a ses inconvénients, et notamment celui de ne pas passer inaperçue. C'est donc Rozie Oshodi, sa secrétaire particulière adjointe, une brillante jeune femme d'origine nigériane, qui va l'aider à démêler ce sac de nœuds en toute discrétion...

God save the Queen du cosy crime !



Ce qui m’a attiré dans ce roman policier, c’est que, comme son titre l’indique, sa majesté la reine Elisabeth II mène l’enquête ! J’ai apprécié cette originalité et, même si elle envoie sa secrétaire interroger quelques personnes et faire quelques tâches, il n’empêche que sa majesté fait marcher ses cellules grises, à l’instar d’un célèbre détective belge. J’ai aimé suivre l’histoire du point de vue d’Elisabeth, de suivre la reine, la femme mais aussi l’enquêtrice, et de découvrir que son altesse n’en est pas à sa première enquête, loin de là, mais qu’elle souhaite rester discrète et laisser d’autres personnes récolter les fruits de son labeur.

 

Ce que j’ai trouvé plaisant et intéressant dans ce roman, c’est qu’on accède à l’intimité de la reine. On voit l’envers du décor, grâce à une auteure qui connaît manifestement son sujet, et qui s’attache à mettre en relief l’humanité de la reine. J’ai aimé cette plongée dans le quotidien de la monarchie britannique, les rôles de chacun, le poids des mondanités et du protocole, les nombreuses réceptions. Heureusement, les échanges avec le prince Philip sont savoureux, avec son humour particulier et le fait qu’il ne soit pas toujours très conventionnel.

 

La reine est présentée avec respect, on y voit bien les limites et les contraintes de son rôle. Elle doit diriger l’enquête sans en avoir l’air. Que dirait l’opinion et ses sujets ? Mais elle ne peut laisser passer l’affaire, surtout quand les soupçons se posent sur ses proches collaborateurs. C’est pourquoi elle a recours à sa secrétaire, Rosie, qu’elle envoie interroger les témoins ou faire quelques emplettes.

 

Le paradoxe de ce roman est que j’ai davantage préféré les scènes sur Elisabeth, ses échanges avec son mari, sa vie de famille, ses tâches de reine, et les petits détails sur la vie de la monarchie, que l’enquête criminelle en elle-même qui ne m’aura pas bien palpité. Pourtant, ça partait très bien au début ! On est dans un cozy mystery, mais avec des tenants et aboutissants politique entre la Russie, la Chine et l’Angleterre. Ça parle d’attentat, d’espionnage, de Poutine et ses magouilles. Nous avons même la visite du couple Obama ! Autant dire que j’ai été agréablement surprise.

 

Malgré cela, l’intrigue policière est loin d’être à la hauteur. J’ai trouvé l’enquête molle, avançant à un rythme bien trop long. Je me suis ennuyée à plusieurs reprises, j’ai été tentée de survoler plusieurs passages, et j’avais hâte d’en finir avec ce roman. Les rebondissements ne sont pas très nombreux et le suspense est moyennement prenant. Je ne suis d’ailleurs même pas sûre d’avoir tout compris à l’intrigue et à la résolution de l’enquête. Outre les scènes sur Elisabeth, ce roman ne me laissera malheureusement pas un souvenir bien mémorable, et je ne pense pas lire les prochains tomes. U voyage en Angleterre sympathique mais non mémorable, malheureusement.


La reine était assise sur son lit, occupée à écrire son journal. Elle n’y notait jamais beaucoup de choses et surtout pas de cette nature. De nombreux historiens devaient déjà rêver d’avoir accès aux pages qu’elle remplissait rigoureusement chaque soir à la main, et qui seraient un jour déposées aux archives royales, dans la tour Ronde, avec celles de la reine Victoria. Il y avait cependant de fortes chances qu’ils soient déçus. Ceux qui liraient ces documents au XXIIe siècle y trouveraient des informations détaillées sur les courses hippiques, des observations sur le manque de vivacité d’esprit de certains premiers ministres et des anecdotes familiales mineures. Ses réflexions les plus profondes restaient entre elle et Dieu.

dimanche 30 mars 2025

Jules César - William Shakespeare.



Préférez-vous César vivant, et mourir esclaves, ou César mort, et tous vivre libres? César m'aimait, je le pleure. Il connut le succès, je m'en réjouis. Il fut vaillant, je l'honore. Mais il fut ambitieux et je l'ai tué. Pour son amitié, des larmes. Pour sa fortune, un souvenir joyeux. Pour sa valeur, du respect. Et pour son ambition, la mort. Qui parmi vous est assez vil pour accepter d'être esclave ? Si un tel homme existe, qu'il parle. Car lui, je l'ai offensé. Qui est assez grossier pour ne pas désirer d'être un Romain ? Si un tel homme existe, qu'il parle. Car lui, je l'ai offensé. Qui est abject au point de n'aimer pas son pays ? Si un tel homme existe, qu'il parle. Car lui, je l'ai offensé.

(Acte III, scène 2)




« Prends garde aux Ides de Mars. »


A l’approche du mois de mars, internet prépare blagues et memes à l’occasion des Ides de Mars, une façon se de moquer gentiment de la mort de Jules César, journée devenue mémorable sur les réseaux sociaux. A cette occasion, j’ai décidé de me coller enfin à la pièce de Shakespeare. Au final, je termine cette pièce le 30 mars (à 15 jours près, ça va, ça passe xD)


Cela faisait très longtemps que je n’avais pas lu de pièce de théâtre. L’avantage, c’est que ça se lit vite. Ce qui m’a aussi rendu la lecture agréable est que cela touchait une période historique qui me passionne, à savoir la Rome antique, et plus particulièrement la fin de la République romaine. Les événements de la pièce n’ont donc pas été une surprise pour moi, mais c’était intéressant de voir ce tableau historique peint par Shakespeare et comment il a choisi de représenter les personnages.


Parmi les personnages, nous avons Brutus, qui m’a bien surprise car il est souvent représenté comme le pire des traîtres. Ici, il est décrit comme un personnage noble et moral, peut-être même le seul dans cette œuvre, tiraillé entre son affection pour César et sa crainte que celui-ci n’abuse de ses pouvoirs et ne devienne un tyran, mettant à mal la démocratie à Rome. Au final, s’il décide de se joindre aux conspirateurs, ce n’est pas de gaieté de cœur, mais pour le bien public, car il craint que César ne devienne un tyran, mais jamais il n’aura un mot visant à salir César. Néanmoins, je pensais tomber sur une histoire père-fils tourmentée et tragique, ce qui n’est pas tant le cas. Brutus est davantage une figure tragique car il est influencé et entraîné dans l’histoire bien malgré lui, ce qui lui vaudra sa perte, alors qu’il ne voulait que le bien commun.

 

Nous avons également Cassius, un des conspirateurs, qui est un paradoxe. Homme envieux et sans scrupule, il est prêt à tout pour convaincre Brutus de se joindre à la conspiration mais il voue d’ailleurs à Brutus une amitié et une loyauté qui vont jusqu’à la dévotion presque amoureuse. Ensuite, Marc-Antoine, proche de César, j’ai beaucoup apprécié sa loyauté envers César, mais aussi son intelligence, on peut même dire son côté calculateur et fourbe que l’on voit parfaitement illustré dans son discours funèbre au peuple, auprès de la dépouille de César, qui fut tout simplement un délice à lire lorsqu’il fait mine de ne pas avoir de griefs pour les conspirateurs tout en les accusant indirectement et en attisant la colère du peuple sur eux. Le peuple est ici vu comme une girouette, elle a un côté versatile qui est assez comique mais aussi réaliste. Il faut se l’avouer, le peuple a toujours été ainsi, se faire amadouer par nos politiciens.

 

Finalement, le seul qui soit plus discret dans cette œuvre, c’est bien celui qui donne à la pièce son titre, alias Jules César lui-même. Après la première moitié du 3e acte, exit le grand César, terrassé par les conspirateurs. Mais, au final, que ce soit avant et après les Ides de Mars, César est au cœur même de l’intrigue. Tout d’abord, à travers les conspirations visant à l’assassiner, puis après sa mort, lorsque Octave, petit-neveu de César, et Marc-Antoine vont s’atteler à venger César et à traquer les conspirateurs.

 

Je n’ai pas grand-chose à dire concernant César. Shakespeare a su en faire un personnage humain. Il est au sommet de sa gloire mais on sent la fragilité de l’âge et, peut-être, de nombreuses années de guerres. Shakespeare reste énigmatique finalement sur la question : César voulait-il abuser de son autorité pour devenir roi et régner sans partage, ou les conjurés ont-ils anticipé un péril qui n’avait pas lieu d’être ?

 

J’ai aimé me plonger dans cette fresque historique, entre complots, assassinat, tensions politiques et guerre civile. La tragédie monte en intensité au fur et à mesure qu’arrive le meurtre de Jules César puis la dernière partie est tout aussi intense dans la guerre que se livrent Brutus et Cassius d’un côté et Octave et Marc-Antoine de l’autre, jusqu’à la victoire d’un camp. Un classique que je ne regrette donc pas d’avoir découvert, de par l’histoire qu’elle met en scène, où l’Histoire se mêle à l’histoire de nos personnages qui sont complexes et finalement humains.


Ô jugement tu t’es réfugié chez les bêtes brutes, et les hommes ont perdu leur raison ! Veuillez me supporter avec patience ; mon cœur est ici dans ce cercueil avec César, et il faut que je m’arrête jusqu’à ce qu’il me revienne.

vendredi 28 mars 2025

Mémoires de la forêt (T.4) La Saison des adieux - Mickaël Brun-Arnaud et Sanoe.


Autour de la famille Renard, on s'active aux préparatifs de l'anniversaire des quatre-vingts ans de la librairie de Bellécorce quand soudain, une branche craque. C'est le premier signe d'une terrible maladie : le croquebois. 

Pour en venir à bout, une seule solution : couper l'arbre. Mais, ça, Ernest Renard ne peut s'y résoudre. Le vieux chêne abrite les souvenirs et les œuvres de sa mère, Anouchka. S'il disparaît, c'est aussi elle qui s'en ira encore un peu plus. 

À moins que l'arbre des souhaits, un pommier magique dont Anouchka lui avait parlé quand il était petit, n'accomplisse un miracle. Sa quête à travers la forêt lui réservera bien des pépins, et la vie à croquer.




Ça me fait bizarre de dire au revoir à cette série.


Comme les tomes précédents, celui-ci est un petit bijou, tant au niveau du récit qu’au niveau visuel. C’est mignon, tendre, émouvant, gourmand et intergénérationnel. On retrouve les thèmes chers à la série : la mémoire, la transmission, la famille et l’amitié.


J’ai malgré tout trouvé l’histoire moins touchante et prenante par rapport aux tomes précédents, sans que ça n’entache la qualité du roman. C’est clairement l'histoire la plus triste de la série, l’ambiance est plus sombre, il y a moins d’humour, moins de légèreté et les lieux visités m’ont moins fait rêver. Pour autant, ça reste une jolie histoire, l’auteur vise toujours juste au niveau de la psychologie des personnages et des thèmes abordés.


À ma grande surprise, nous ne suivons pas Archibald dans ce dernier tome mais Bartholomé, son neveu devenu adulte et papa de deux jeunes renardeaux, Ernest et Lothaire, et qui a repris la librairie familiale. Alors que toute la famille Renard et Bellécorce fêtent l’anniversaire de la librairie, l’assemblée découvre avec stupeur que l’arbre qui abrite la librairie est en train de tomber en ruine. Le verdict est sans appel. L’arbre est atteint de la terrible maladie du croquebois dont le champignon ronge le bois petit à petit et dont il n’existe aucun remède.


Alors que Bartholomé, le cœur lourd, se résout à déménager sa petite famille et les livres, son aîné Ernest ne peut s’y résoudre. C’est qu’il a tous les souvenirs de sa maman disparue dans cette maison, il refuse de croire que c’est sans espoir. C’est ainsi qu’il se met en quête, en compagnie de son amie taupe Mathilde, de retrouver l’arbre aux souhaits dont sa maman lui racontait l’histoire, dans l’espoir de sauver la librairie familiale.




À l’insu de leurs parents, Ernest et Mathilde partent donc à l’aventure, traverser Bellécorce et faire différentes rencontres. Je dois avouer que [spoiler] je m’attendais à ce qu’ils ne puissent pas sauver l’arbre [/spoiler] mais cette issue ne m’a pas déçue et je m’y attendais, et ce n’était pas vraiment le but de l’intrigue mais plutôt de délivrer un joli message touchant sur le fait de grandir, de devoir laisser derrière soi des choses pour avancer dans la vie et ce malgré les épreuves. On ne peut que trouver touchant Ernest, ce petit renardeau si jeune mais déjà marqué par la vie et qui forme une amitié touchante avec Mathilde. Concernant celle-ci, j’ai eu un peu de mal à cerner qui était cette Lilas au départ avant de comprendre qu’il s’agissait [spoiler] d’une allusion à son handicap, sa peau pelée, l’occasion pour l’auteur d’aborder les thèmes du handicap, de l’acceptation de soi [/spoiler]


On repart aussi plusieurs fois en arrière, dans le passé de Bartholomé quand il était jeune renardeau et son amitié avec Ferdinand Taupe. Bien que j’aie trouvé leur amitié touchante, surtout leur dernière scène ensemble, je dois avouer que j’aurais préféré que ce soit Archibald à la place de Bartholomé, je trouvais ce choix plus pertinent et plus logique de terminer la saga sur les deux personnages avec qui nous avons commencé la série, et cela aurait donné une dimension plus forte et touchante à l’amitié entre Archibald et Ferdinand. Cela dit, les scènes avec Ferdinand étaient très touchantes, et la dernière scène avec ce personnage m’aura fait verser ma petite larme, d'autant que ce roman aura été l'occasion de revoir tous les personnages de la saga, peut-être pour un au revoir aux lecteurs également... 



Archibald m’aura quand même manqué ans ce tome, mais j’ai été agréablement surprise d’apprendre que [spoiler] il est marié à Célestin Loup. Monsieur Brun-Arnaud, je veux une histoire courte nous racontant cette histoire d’amour !! [/spoiler]



Je quitte donc cette saga et cet univers avec regret, et je remercie l’auteur et l’artiste pour ces incroyables aventures touchantes comme cozy. Si l’auteur écrit d’autres romans jeunesse, je les découvrirai avec grand plaisir !


- Ton amie Mathilde a raison, mon amour, murmura tendrement Anouchka, une patte sur sa joue. Dans la vie, il y a des choses qu’on doit tout faire pour retenir, et d’autres qu’il faut accepter de laisser partir. Je suis certaine que tu trouveras la force, la patience et le courage de les discerner les unes des autres. N’oublie jamais, mon ange, même lorsque ta patte refuse de lâcher prise, même lorsque tu as mal à en pleurer, perdre, c’est parfois retrouver… Un arbre ne peut grandir que si on lui laisse la place de pousser, tu ne crois pas ? Fais-moi confiance, Ernest. Maintenant, tu peux lâcher prise.

vendredi 21 mars 2025

Sherlock Holmes et le complot de Mayerling - Nicole Boeglin.



En cet hiver 1889, une jeune femme se présente au 221B Baker Street. La dame de compagnie de l'impératrice Sissi vient, dans la plus grande discrétion, requérir l'aide de Sherlock Holmes. En effet, le fils de l'impératrice a été retrouvé mort dans le pavillon de chasse de la propriété de Mayerling. L'enquête officielle a conclu au suicide. Un peu vite. Holmes et Watson découvrent rapidement des indices pour le moins suspects.

Qui est cette jeune femme retrouvée morte aux côtés du prince et que l'on a enterrée en secret ? Et pourquoi un tableau a-t-il été volé au moment du meurtre ? La mort du prince n'est que la partie émergée d'une vaste affaire. Sherlock va devoir faire appel à toutes ses capacités de déduction pour en démêler les fils...




Ce roman me laisse une impression plus que mitigée…


Pourtant, il avait tout pour me plaire ! Sherlock HolmesSissi, la tragique histoire de Rodolphe de Habsbourg, un polar historique sur l’une des affaires les plus passionnantes et les plus mystérieuses de la fin du XIXe siècle. Tous les ingrédients étaient là, et j’ai commencé ma lecture avec beaucoup d’enthousiasme.


Il faut dire que c’est une affaire encore non élucidée à ce jour, qui a fait couler beaucoup d’encre depuis 1889. Que s’est-il passé ? Le prince héritier Rodolphe s’est-il réellement suicidé après avoir tué sa jeune maîtresse ? Pour quelle raison ? Sa dépression ou la maladie incurable dont il était atteint ? Ou bien s’agit-il d’un assassinat politique déguisé en suicide ? Plusieurs théories vont se succéder au fil des ans, sans qu’aucune ne soit totalement avérée, d'autant plus que l'enquête a été bâclée et que de nombreuses preuves ont disparu, voire ont été volontairement détruites comme la scène du crime. Avec un tel mystère, pas étonnant que la fiction s’en soit emparée, et pour mon plus grand plaisir !


J’ai retrouvé avec plaisir Holmes et Watson qui sont plutôt fidèles à ceux écrits par Doyle. Je n’aurais pas été contre un Watson plus dans l’action et un petit moins long à la détente, surtout sur des choses qui ont semblé évidentes même à la modeste lectrice que je suis, même si tel est le rôle de Watson. À l’instar du canon, il est perdu, pose de nombreuses questions à Holmes pour nous permettre de mieux comprendre les aboutissants de l’intrigue. Je dois aussi avouer avoir été déconcertée de voir Watson appeler et désigner Holmes par son prénom, chose qu’il n’a jamais faite dans le canon. Vous me direz, je chipote pour un petit détail mais c’est un détail qui a son importance pour moi.


Toutefois, j’ai pris plaisir à suivre Holmes et Watson qui, depuis ma toute première lecture de SH, sont comme des compagnons qui m’accompagnent depuis longtemps et que je prends plaisir à retrouver. J’ai ainsi aimé les suivre dans une nouvelle enquête. Étant fan de l’histoire de Sissi, des Habsbourg et la tragédie de Mayerling, l’enquête ne pouvait que me plaire. Si le récit peut s’alourdir en nous présentant tout l’arbre généalogique des Habsbourg et de voir apparaître plusieurs noms de cette illustre famille et les liens entre eux, ça n’a pas gâché mon plaisir puisque j’étais déjà, de base, très intéressée par tout ça. Sans être une spécialiste, je peux toutefois affirmer que l’auteure s’est basée sur de solides sources et a su reconstituer fidèlement le cadre familial mais aussi socio-politique de l’époque et se réapproprier ces éléments, notamment dans le cadre de l’enquête (l’affaire demeurant irrésolue à ce jour).


J’ai aimé le cadre socio-politique qui se dévoile au fur et à mesure que l’on avance dans l’intrigue. Un jeune prince libéral qui critique la politique conservatrice de son père, des relations fragiles entre l’empire autrichien et le jeune empire germanique qui gagne en puissance, une alliance fragile entre l’Autriche et la Hongrie, sans compter les tensions et secrets au sein de la grande famille des Habsbourg. L’auteure a su nous repeindre fidèlement le portrait du prince Rodolphe, et on en apprend davantage sur lui, ses engagements, son passé difficiles, etc. En bref, je n’ai pas boudé mon plaisir, bien au contraire ! La plume de l’auteure est fluide et on ne peut que féliciter son travail de documentation parfaitement élaboré.


Puis, en plein milieu de roman, nous sommes propulsés dans les années 1990 à suivre la correspondance entre deux jeunes femmes, Tania et Lily, qui enquêtent elles-aussi sur l’affaire Mayerling [spoiler] on apprendra d’ailleurs que l’une est une descendante des Habsbourg et l’autre une descendante d’Irène Adler ; je n’ai pas compris l’intérêt que Tania soit une Adler, comme ça ne sert strictement pas à l’intrigue [/spoiler]. J’ai eu du mal à m’habituer à ce changement de ton soudain puisque le récit se fait plus contemporain et surtout épistolaire. Non pas que les romans épistolaires me déplaisent mais le changement de style m’a dérouté. Surtout, je ne comprends pas ce choix. Pourquoi, dans les années 90, nos deux protagonistes n’auraient pas utilisé le téléphone pour échanger des informations censées être importantes et urgentes concernant leur enquête ? D’autant que certaines lettres faisaient juste du remplissage (par exemple, nous avons une lettre de deux lignes où Machine dit à Trucmuche qu’elle va se promener. C’est tout).


Au cours de leur enquête, l’une sera accompagnée par un journaliste dont nous ignorons l’identité réelle mais qui a des capacités de déduction et une intelligence semblables à celles de Holmes ainsi que des yeux gris… Nous n’avons pas de nom mais on peut imaginer qui était son ancêtre.


Je dois avouer avoir un peu décroché pendant cette seconde partie dont le rythme de lecture a été plus lent. Cette partie n’est pas dénué de qualités et elle se laissait lire bien volontiers mais avec moins d’enthousiasme de mon côté.


Je n’ai réussi à avoir un regain d’intérêt que lorsque nous repartons sur le récit de Watson. J’ai trouvé la résolution de l’enquête (la véritable nature de la mort du prince héritier) et les raisons du silence de Holmes et Watson sur cette affaire plutôt crédibles, le méchant un peu moins [spoiler] le fait de faire de Moriarty un prince de la famille des Habsbourg m’est plus risible qu’autre chose, et que son descendant veuille poursuivre sa vengeance, alors que l’empire austro-hongrois n’est plus et les Habsbourg ayant perdu leur puissance et influence d’antan, pas franchement crédible [/spoiler]. Je dois cependant avouer avoir été frustrée par la fin qui n’en est pas vraiment une pour moi puisqu’elle nous laisse sur un cliffhanger, et je suis laissée frustrée et sur ma faim. Peut-être aura-t-on droit à une suite… Mais si elle se penchera surtout sur Tania et Lily, sans Holmes et Watson, je pense que je passerai ma route…


En conclusion, malgré des ingrédients prometteurs (une enquête historique, plusieurs personnages historiques et notamment présence de Sissi et Franz, la présence de Mycroft, etc), l’ensemble du roman peine à convaincre et me laisse donc un avis mitigé.


L'année 1889 fut chargée. Elle le fut tout particulièrement en cette fin du mois de janvier. J'avais promis à mon ami Sherlock Holmes que tout ce que j'allais écrire sur cette affaire le serait dans le plus grand secret, et que mon récit ne serait jamais publié de notre vivant. Car cette histoire pourrait semer le chaos et la consternation dans les plus hautes sphères de la société, et surtout, mettre l'Europe à feu et à sang. Je n'ai nul besoin de préciser qu'une semblable indiscrétion est impensable et que ces archives seront soigneusement dissimulées. Le monde n'est pas encore prêt.

jeudi 13 mars 2025

Un jardin de mensonges - Susan Fletcher.


Certains fantômes hantent les demeures, d'autres les cœurs...

Londres, 1914. Atteinte de la maladie des os de verre, Clara vit recluse depuis toujours, choyée par une mère qui lui raconte le monde. À sa mort, la jeune femme prend son destin en main et s'initie clandestinement à la botanique.

Elle est bientôt engagée par Mr Fox pour créer sur son domaine une serre de plantes exotiques. Mais, à peine arrivée à Shadowbrook, elle ressent un étrange malaise. Le mystérieux maître des lieux brille par son absence, la gouvernante est terrifiée, et une présence semble hanter les couloirs de la demeure, où les fleurs fanent en quelques heures...

Avec son étrange héroïne à la peau diaphane, Un jardin de mensonges est un brillant hommage aux grands romans gothiques. C'est aussi le récit de l'émancipation d'une femme qui tente de reprendre possession de sa vie et de son corps, servi par une plume aussi vénéneuse que sensuelle...


Je sors de cette lecture mitigée.


Ce roman me présentait des éléments prometteurs : une héroïne infirme (chose rare dans la fiction), qui s’intéresse à la botanique, une ambiance gothique avec un manoir ancien et hanté, des mensonges et des secrets, un fantôme tourmenté, le contexte historique qui est celui de la belle époque, à l’aube de la Première Guerre Mondiale. Tout était là pour me plaire et je me suis plongée avec enthousiasme dans ce roman.


J’ai beaucoup aimé le début, avec un premier chapitre assez long qui nous présente Clara, sa mère, son beau-père, sa maladie. Comment, à défaut de sortir, elle a découvert le monde à travers des cartes et des ouvrages. Puis, son émancipation suite à la mort de sa mère, comment elle décroche son travail pour s’occuper de la serre de Mr Fox, la découverte du manoir et des employés, les absences fréquentes et mystérieuses de Mr Fox, puis les histoires autour des anciens propriétaires du manoir.


Clara est une protagoniste qui ne laisse pas indifférente. Elle a la maladie des os de verre. De ce fait, tout pour elle représente un danger. Rien qu’une légère bousculade peut lui briser les os. Elle a longtemps vécu enfermée dans la maison familiale, auprès d’une famille aimante, et qui a eu comme compagnons les livres qui lui ont parlé de ce monde extérieur inaccessible. C’est une jeune femme qui a du se forger une carapace et qui cherche à s’émanciper, à vivre sa vie comme elle l’entend, sans être limitée ou définie par sa maladie. Elle est déterminée, cultivée et elle a son franc-parler.


Le hic ? Clara n’est pas une héroïne attachante. Elle m’a semblé bien antipathique pendant une bonne partie du roman. Elle est TROP curieuse d’une part, une curiosité qui frise souvent le côté mal élevé, avec des questions déplacées, ce qui m’a pas mal dérangé, et j’ai un peu de mal à comprendre pourquoi elle se projette tellement dans les problèmes du manoir où elle travaille et ce depuis les premiers jours.


Bien-sûr, il faut bien que l’histoire progresse et celle-ci nous présente un mystère, mais je trouve un peu ridicule la curiosité mal placée et l’entêtement de l’héroïne qui trouve offensant que son employeur soit souvent absent du manoir et qu’il ait mis du temps pour l’accueillir enfin, rien que pour citer un exemple.


Clara est aussi paradoxale. Elle souhaite se débrouiller seule et être vue au-delà de son handicap, mais c’est souvent elle qui met sur la table sa maladie et elle se permet d’être franchement antipathique avec des personnages qui ne le méritent pas et qui sont, pour la plupart, agréables avec elle, malgré son côté mêle-tout et abrupte.


Pour parler de l’autre élément à m’avoir chagriné, c’est l’intrigue en elle-même. En vérité, je ne saurais dire si je dois applaudir un tel plot twist ou ne pas apprécier le fait qu’on m’a mené en bateau. Encore que je peux excuser le fait que [spoiler] il n’y ait pas un fantôme et que c’est un mensonge taillé de toute pièce, après tout, le roman ne s’intitule pas « Le jardin des mensonges » pour rien ; non, c’est la raison de l’existence de ce mensonge qui me paraît franchement tiré par les cheveux. Un mensonge qui terrorise les villageois et les employés du manoir… tout ça pour que Machin attire chez lui son fils qui est en froid avec lui et la fille qu’il n’a jamais connu, inutile d’ailleurs de vous dire QUI est la fille en question [/spoiler]


L’intrigue reste malgré tout bien menée et nous propose une réflexion intéressante sur le poids de la rumeur et des mensonges qui peuvent se révéler incontrôlables et que certains parviennent à manipuler à leur avantage, ce qui m’a un peu rappelé L’île aux mensonges, de Frances Hardinge. L’écriture de l’auteure est également fluide, il y a des messages forts qui dégagent du texte.


Malheureusement, il y a des longueurs et je n’ai pas été conquise par le dénouement que j’ai trouvé tiré par les cheveux, ni par son héroïne qui – bien que non détestable – est franchement antipathique la plupart du temps. J’ai aussi trouvé la fin un peu trop rapide et elle m’a laissé un peu en suspens. Les personnages secondaires auraient également mérité d'être plus approfondis de mon point de vue (surtout le père Matthew). Je ne dirai pas avoir été déçue de cette lecture car le roman a de très bons aspects, malheureusement les points noirs ont fait que je ressors assez mitigée. Dommage… 


Et vous avez dit « infirme » mais, mademoiselle, n’y a-t-il pas des plantes qu’il faut relever par du bambou ? Elles n’en sont pas moins ravissantes. Alors, je vous en prie, n’écoutez pas les racontars de ceux qui n’ont pas de cervelle.

dimanche 9 mars 2025

La Princesse et le croque-monsieur - Deya Muniz.



La jeune Lady Camembert veut vivre sa vie comme elle l'entend et refuse de se marier. Ou plutôt, d’épouser un homme. Or la loi du royaume de Fromage stipule que les femmes ne peuvent pas hériter. 

À la mort de son père, elle n’a d’autre choix que se déguiser en homme et s'installer dans la capitale où personne ne la connaît, pour prendre un nouveau départ en tant que Comte Camembert. Mais il est difficile de faire profil bas quand l’audacieuse princesse Brie, militante passionnée à la pointe de la mode, attire son attention. Camembert ne peut pas résister à l'envie d’apprendre à connaître Brie. 

Mais alors que les deux se rapprochent, son secret pourra-t-il être préservé ?



Sous son titre original se cache un album qui fait fondre comme il donne faim, avec une histoire qui manie habilement l’humour, la tendresse et la romance, et des personnages qui pétillent de vie.



Le comte Camembert peine à marier sa fille qui rejette chacun de ses prétendants, et pour cause, elle aime les femmes. Mais le comte de Camembert se fait vieux et sa santé fragile et, sans mariage, sa fille ne pourra prétendre à son héritage. C’est alors qu’il élabore un plan en suggérant à sa fille de devenir un homme et déménager à la capitale, Fondue, avec Feta une domestique de confiance, pour mener la vie qu’elle entend, tout en lui recommandant la discrétion absolue pour que jamais son secret ne soit percé. Mais, enfermée toute la journée, la jeune femme s’ennuie et décide de prendre l’air. C’est là qu’elle tombera sur une affiche annonçant le bal anti-fourrure organisé par la princesse Brie. Malgré les recommandations de Feta, le nouveau comte Camembert décide de se rendre aux festivités… où elle se fera malgré elle remarquer par tout le monde, y compris la princesse.



C’est une histoire très drôle et touchante, avec des situations rocambolesques et des personnages très expressifs qui m’ont souvent fait sourire. J’ai apprécié l’originalité de l’histoire avec des personnages qui portent tous un nom de fromage, un univers qui mêle l’ancien temps (les costumes, les bals d’antan, etc) et notre monde moderne (présence de la technologie), ce qui offre un contraste assez déjanté. J’ai aussi beaucoup apprécié voir une histoire d’amour entre deux femmes, chose rare dans la fiction par rapport aux romances M/M.



Je suis également en admiration devant les graphismes qui sont très colorés, un brin girly, avec des couleurs chatoyantes, mais très gourmands aussi ! L’œuvre dégage un tel peps, un tel dynamisme et de la jovialité à travers son récit et ses graphismes. On sent que l'auteure s’est amusée en passant d'un trait délicat à un trait plus cartoonesque, et je suis admirative devant les robes, surtout celles de la princesse Brie.



Nous avons aussi des personnages très expressifs mais aussi attachants. J’ai aimé le caractère enjoué de Camembert, son intrépidité, sa passion communicative pour la mode, son insouciance, sa petite folie, mais également la princesse Brie si adorable et attachante, douce et joviale. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, avec Feta la domestique, presque figure maternelle, et les amies de la princesse, à savoir Lady Ricotta et Lady Gorgonzola qui ne sont pas uniquement là pour faire jolies mais qui vont apporter un rôle de soutien moral, voire vont contribuer à faire avancer l’histoire.



J’ai aimé faire la connaissance de Brie et Camembert et voir l’évolution de leur relation, les voir tomber amoureuses, avec bien entendu le secret de Camembert et les normes patriarcales qui vont compliquer un peu les choses, sans toutefois douter du happy ending. C’est une romance d’autant plus touchante car on apprend, en fin d’ouvrage qu’elle est inspirée de la propre histoire d’amour de l’auteure et que celle-ci donne ses traits et ceux de sa femme aux personnages de Brie et Camembert, transformant l’ouvrage en hommage personnel à sa femme.



C’est aussi un ouvrage qui véhicule des messages de tolérance, d’acceptation de soi, de bienveillance, qui traite de la liberté d’aimer, quelque soit le sexe de son partenaire.



En résumé, c’est drôle, adorable, mignon, ça nous embarque dans un voyage d’émotion et de douceur, ça donne le sourire aux lèvres dès les premières pages, et ça donne surtout sacrément envie d’un bon croque-monsieur !! Bref, coup de cœur pour cette comédie romantique aussi déjantée que mignonne.