samedi 5 décembre 2020

Le Noël d'Hercule Poirot - Agatha Christie.


Pour la première fois depuis vingt ans, le vieux Siméon Lee a décidé de réunir tous ses enfants pour les fêtes de fin d'année.

Le 24 décembre, on le trouve sauvagement assassiné dans sa chambre. Tout le monde, évidemment, détestait ce vieillard cynique : Alfred et sa femme pour la tyrannie qu'il exerçait sur leur couple, David pour les humiliations dont il a abreuvé sa mère, George pour la rente - trop parcimonieuse à son goût - qu'il lui sert, Harry, le fils prodigue, pour le mépris dans lequel il le tient. Et puis il y a ce mystérieux M. Farr qui vient d'Afrique du Sud. Et la jeune Pilar, la petite-fille espagnole, n'a-t-elle pas déclaré froidement que, si elle avait un ennemi, elle n'hésiterait pas à lui trancher la gorge ? 

Vraiment le vieux Siméon n'aurait pas dû faire part devant tout le monde de son intention de modifier son testament, il n'aurait pas dû faire cette scène détestable à ses enfants réunis, il n'aurait peut-être pas dû faire devant Pilar étalage de ses diamants...


Cela faisait un bon moment déjà, depuis ma dernière lecture d'un roman d'Agatha Christie. Le Cold Winter Challenge se présente justement comme un moyen de retrouver cette auteure avec grand plaisir avec deux titres qui nous mettent dans l'ambiance de Noël, à savoir Christmas Pudding et Le Noël d'Hercule Poirot !


Siméon Lee, un vieux notaire veuf, décide de réunir toute sa famille à l’occasion de Noël. Derrière ce geste désintéressé se cache toutefois quelque chose de plus pervers… En effet, sadique et rongé par l’ennui, le vieux Siméon décide de se jouer de ses enfants, en affichant sa préférence pour certains d’entre eux et s’amuser de leurs réactions alors que cette grande réunion familiale ravive des tensions au sein de la fratrie. Cerise sur le gâteau, il annonce son intention de changer son testament devant toute la famille avant d’insulter copieusement ses fils un à un ainsi que sa défunte épouse… La goutte d’eau qui aura fait déborder le vase puisque, le soir de cette annonce, Siméon est retrouvé assassiné. Comment désigner le coupable quand tout le monde détestait ce vieil homme ? Hercule Poirot, accompagné du colonel Johnson et son surintendant Sugden, vont tenter de résoudre cette énigme...


Le Noël d’Hercule Poirot est plus dramatique que Christmas Pudding. Là où Christmas Pudding était une nouvelle tout en légèreté, nous avons affaire ici à un roman et Agatha Christie a pu prendre le temps de mettre en place son enquête et le contexte. Le roman se déroule sous plusieurs jours : du 22 décembre au 28 décembre, avec le meurtre prenant place ni plus ni moins que la veille de noël !


L’auteure prend d’abord le temps de nous présenter les personnages un à un : les invités puis les fils du vieux Siméon Lee avec leurs femmes respectives, qui ont tous reçu une invitation à passer Noël chez lui dans la demeure familiale. Les personnages se font des confidences, ce qui nous permet de découvrir leur passé et leurs rapports avec le vieux Siméon. On découvre bien vite que chacun a ses propres griefs avec le chef de famille. Lydia déplore que son mari, Alfred Lee, le fils docile et obéissant, continue de subir sans broncher la tyrannie de son père sur lui et son couple. George Lee et sa femme doivent compter sans cesse leurs sous, à cause de la rente parcimonieuse que le vieux Lee leur donne. David Lee, ayant toujours été proche de sa mère décédée, confie à son épouse combien son père a rendu sa pauvre mère malheureuse, si bien qu’elle en serait morte de chagrin. Quant à Harry Lee, n’a-t-il pas fuit la maison avec une belle somme d’argent, après avoir imité la signature du père sur un chèque ? Sans oublier Pilar, le seul enfant de Jennifer, la fille décédée de Siméon, qui fait tout pour se faire aimer de son grand-père et s’attirer ses faveurs.


Mrs Christie nous plante ensuite le décor, un vieux manoir anglais austère ; l’atmosphère avec les tensions entre les personnages et l’animosité qu’ils ont envers Siméon, et ce dernier qui s’amuse à semer les graines de la discorde ; puis le meurtre, mystérieux et énigmatique, où chaque personnage fait, ou presque, le suspect idéal ; l’arrivée d’Hercule Poirot ; l’interrogation des suspects ; les réflexions d’Hercule Poirot, ses autres rencontres avec les Lee, puis le coup de théâtre final. On peut déplorer certaines lenteurs, notamment lorsque l'auteure prend le temps de nous présenter chaque personnage et lorsque les enquêteurs interrogent les habitants du manoir un à un. Toutefois, chacun relate sa propre version des faits, ce qui peut varier d’un personnage à un autre, leur possible alibi, les détails qu’ils choisissent ou oublient de formuler.


La reine du crime nous offre un huis-clos dans une vieille demeure gigantesque et luxueuse pendant la période de Noël, une recette qui fonctionne, d’autant plus qu’il s’agit d’une période propice aux réunions de famille… et souvent les tensions et conflits qui vont avec… notamment avec le retour du fils prodigue, que l’on croyait mort et dont la fuite il y a des années n’a pas plu à tout le monde, l’arrivée de deux invités inconnus des enfants Lee, et un père comme Siméon Lee, joueur, rancunier et cynique qui profite des retrouvailles familiales pour Noël pour humilier ses enfants une fois de plus, la poudre ne tarde pas à exploser !


Agatha Christie, comme à son habitude, sème des indices au fil des pages, que nous tentons de comprendre et de restituer, elle nous mène également vers une piste et puis une autre, en détruit une, nous mène vers une fausse piste pour nous surprendre. On s’interroge – qui a tué le vieux Siméon, comment, pour quel motif. Le mystère plane puisque la pièce est barrée de l'intérieur et que personne n’a pu en sortir, même pas par la fenêtre… On ne peut pas compter sur Poirot pour espérer comprendre, car le détective aime s’exprimer de façon mystérieuse, rester vague et ne laisser échapper aucun indice, gardant tout jalousement jusqu’à l’annonce de la vérité qu’il fait de façon théâtrale. Je dois avouer que, si j’avais deviné un rebondissement, l’identité du coupable fut une vraie surprise, je ne l’avais pas vu venir !


Ainsi, les rebondissements ne manquent pas, et certaines phrases prononcées innocemment annoncent ces rebondissements et révélations surprenantes, ce qui nous montre bel et bien qu’aucune famille n’est parfaite, surtout celle des Lee, et que chaque famille a ses secrets, certains plus gros que d’autres. C’est un élément que j’ai beaucoup apprécié dans le roman. Loin de l’ambiance chaleureuse et familiale de Christmas Pudding, ici les faux-semblants, tensions, rancœurs et secrets de famille sont au centre du récit. Sans m’être particulièrement attachée à la plupart des personnages, j’ai pris plaisir à suivre cette famille où chaque révélation, chaque détail de leur vie est un plaisir à découvrir.


La recette a de nouveau pris chez moi, je me suis régalée à lire ce roman policier, ainsi que les surprises et révélations à la pelle, et revoir ce cher détective belge ! Je serais à présent curieuse de découvrir l'adaptation avec le célèbre David Suchet !


- (...) Il paraît que toute la famille se trouvait réunie dans la chambre de votre grand-père cet après-midi, et que... des paroles vives furent échangées.
Pilar sourit :
- Oui. C'était bien amusant. Grand-père les a tous mis en colère.
- Oh ! cela vous a amusée ? Pas possible ?
- Si, j'aime voir les gens se disputer. Mais ici, en Angleterre, on ne se met pas en colère, comme en Espagne. Là-bas, on tire son couteau, on jure, on crie. Ici, les hommes deviennent rouges et serrent les lèvres.
- Vous souvenez-vous de la conversation qui eut lieu chez Mr. Lee ?
- Pas très bien. Grand-père leur a dit qu'ils n'étaient bons à rien... qu'ils n'avaient pas d'enfants, que je valais mieux que n'importe lequel d'entre eux. Il m'aimait beaucoup, mon grand-père.
- A-t-il parlé d'argent et de testament ?"

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