lundi 14 décembre 2020

Une seconde avant Noël - Romain Sardou.

1851. À Cokecuttle, une cité industrielle anglaise, le petit Harold survit péniblement, vivant sous les ponts et ramonant des cheminées. Et pourtant...

Harold est promis à un destin fantastique. Guidé par un génie invisible, il va découvrir un monde peuplé de lutins, d'arbres magiques et de rennes volants. D'extraordinaires voyages l'y attendent. Il est appelé à devenir un personnage que nous connaissons tous très bien : à la longue barbe blanche et au costume rouge éclatant...

Ce petit orphelin est le Père Noël avant qu'il devienne le Père Noël !


Déjà présent dans ma pile à lire du Cold Winter Challenge de l’année dernière sans que je réussisse à mettre la main dessus, je suis heureuse d’avoir eu l’opportunité de lire ce livre cette année ! C’est une lecture idéale pour Noël !


Le jeune Harold Gui n’a pas la vie facile. Petit garçon vivant dans la pauvreté, il est contraint de dormir dans les rues et de travailler rudement pour survivre. Son seul réconfort, il le trouve en la personne de son ami, Le Falou, un vieil homme, pauvre tout comme lui, qui l’émerveille de ses histoires et lui apprend à lire et à écrire. Tout bascule lorsqu’Harold est accusé de crimes qu’il n’a pas commis et envoyé en Écosse pour travailler dans une ferme, tenu par des adultes peu charitables, en compagnie d’autres garçons. Mais, voilà qu’un jour, alors qu’il travaillait dans les bois, il tombe sur deux étranges êtres ressemblant à des lutins ! Il l’ignore encore, mais son destin commence à se mettre en place…


Je ne m’attendais pourtant à rien en débutant ma lecture, n’ayant pas lu la quatrième de couverture pour me faire une idée, le début fut un peu laborieux mais au final, je ressors ravie de ma lecture et j’ai passé un moment magique avec ce conte de Noël. Romain Sardou a su me transporter dans un monde fantastique et féerique, en compagnie d’Harold, des lutins, des rennes volants et autres génies. Tous les ingrédients du conte sont présents, avec la part de fantastique à travers la présence d’êtres et créatures magiques qui ont peuplé la Terre et aidé les hommes, avant de se cacher lorsque les hommes ont voulu s’approprier leur pouvoir et leur savoir, des fées et génies qui veulent apporter de la joie aux enfants en cette époque difficile pour eux, le héro choisit pour une grande destinée. J’ai également aimé l’initiative de l’auteur de s’adresser directement aux lecteurs, comme si nous étions les témoins privilégiés de l’histoire qu’il nous présente.


J’ai aimé découvrir les références aux différents symboles de Noël et leur histoire, tels que Saint Nicolas, la bûche de Noël (qui n’était pas comestible au départ), les cadeaux, etc. J’ai également beaucoup aimé découvrir d’autres symboles et histoires autour de Noël selon la version de l’auteur, pour coller à son roman, comme la figure du Père Noël, comment les lutins et le Père Noël en sont venus à vivre au Pôle Nord, comment il fut décidé d’offrir des cadeaux à tous les enfants sages et d’utiliser un traîneau et des rennes volants pour distribuer les cadeaux, l’arrivée du papier cadeau, la décoration du sapin, l’arrivée de la lettre au Père Noël, et de l’usine des lutins pour fabriquer les jouets, le cadeau qui était d'abord un simple geste et dont la nouvelle a voyagé partout. Tout n’est pas arrivé au hasard, cela s’est fait après des essais et des idées mûrement réfléchies, et progressivement. Tous ces éléments ont été bien pensés, et j’ai beaucoup apprécié découvrir la fête de Noël avec son personnage emblématique et ses symboles bien connus dans l’univers de l’auteur.


Ce n’est pas pour autant un roman guimauve, plein de bons sentiments puisque l’histoire nous présente un temps rude, surtout pour les enfants vivant dans la pauvreté qui doivent travailler pour survivre. C’est l’âge de la révolution industrielles, et les enfants sont facilement employés, voire même exploités, par les adultes pour leurs petites mains, souffrant du froid, de la faim et de maladies. Les hivers sont rudes, la mortalité enfantine est élevée et la pauvreté présente à chaque coin de rue. On retrouve ici une ambiance à la Oliver Twist, et on devine sans peine que Dickens a du inspirer l’auteur pour cette histoire, car il nous peint la société anglaise de cette période avec le travail des enfants, le dur labeur dans les usines qui « salissent » les villes qui deviennent sombres, grises, avec de l’insalubrité, la pollution, la violence. Ici les enfants sont de vulgaires ouvriers que l’on exploite juste assez pour qu'ils ramènent quelques pennys, qui sont parfois battus et qui n’ont aucun droit. Réalité sordide qui n'en est pas moins historique.


Cependant, à cette dure réalité historique s’ajoute cette dimension féerique. Si la magie n’est pas très présente au début et que la situation du jeune Harold semble empirer au fur et à mesure qu’on avance dans l’intrigue, avec ses mésaventures, la magie finit par prendre une place plus importante. Si la première partie peut nous sembler longue, je ne peux pas nier son utilité car elle nous permet de saisir le caractère du héro, et elle justifie complètement le besoin et la naissance du Père Noël telle qu'on pourra le voir dans la suite du roman, comment les êtres magiques décident de se manifester à nouveau et de choisir un humain pour créer un événement qui permettra de faire revenir la magie, d’émerveiller les enfants. Donc, même si nous avons un mélange entre la dure réalité historique et la partie magique et fantastique, c’est mené et abordé avec justesse et naturel.


J’ai aimé Harold, qui est un personnage débrouillard et généreux qui va s’accorder parfaitement avec les êtres magiques. S’il est mature pour son âge et à cause de son vécu, il a gardé une âme d’enfant. Étant un enfant, il sait comment les enfants fonctionnent, ce qu’ils désirent, ce qu’ils aiment moins. J'ai aussi aimé faire la connaissance des lutins, leur génie, leur enthousiasme, les voir redécouvrir le monde des hommes depuis leur absence, la technologie industrielle, ce qui offre un contraste avec Harold qui découvre le monde des lutins, des fées et des génies.


Grâce à son formidable talent de conteur, Romain Sardou prolonge la magie de Noël, avec un conte comme à l’ancienne qui ressuscite l’esprit de Noël et notre âme d’enfant. C’est une lecture que j’ai beaucoup aimé, à l’approche de Noël. Je sens mon âme d’enfant qui s’éveille, et qui voudrait visiter l’usine de jouets, voir les lutins à l’œuvre, marcher dans la neige. Une histoire magique, pleine de rebondissements, de surprises et d’émotions.


Les deux amis ne parlèrent pas beaucoup. Joe était épuisé. D'ordinaire, ils ne cessaient de commenter la création des nouveaux jouets de la fabrique, s'étonnant que ce soit toujours des adultes qui choisissent ce qui devait plaire aux petits, riant des prototypes qui fonctionnaient mal, rêvant de pouvoir ne serait-ce qu'une seule fois toucher des mains ces petits bijoux d'amusement qui aussitôt mis en caisse quittaient Cokecuttle pour Londres ou Manchester. Harold et Joe rivalisaient d'invention sur les joujoux qui créeraient, eux, s'ils avaient ces moyens de production à leur portée.

"C'est un drôle de monde, disait Harold. Que connaissent les adultes des jouets destinés aux enfants ? C'est comme si nous, nous prenions la place des tailleurs de costume pour habiller les banquiers de Londres !"

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