samedi 26 octobre 2024

Contes des royaumes oubliés (T.6) Le Prince et le Chasseur - Isabelle Lesteplume.

Il était une fois une reine voulant un enfant. Désespérée, elle brave les interdits pour s'aventurer dans la forêt ensorcelée. Une malédiction s'abat alors sur le royaume, plongé dans un hiver éternel, et un conflit sanglant éclate entre les créatures magiques et les humains.

La reine revient de la forêt enceinte, sans vouloir dire à personne ce qui s'y est passé. Elle met au monde un fils à la peau pâle comme la neige, aux cheveux noirs comme l'ébène et aux lèvres rouges comme le sang. Un enfant étrange, inquiétant, terriblement beau... Et pas tout à fait humain.

La reine meurt, puis le roi se remarie et décède à son tour, laissant le trône à une sorcière cruelle. Prête à tout pour se débarrasser de son beau-fils, elle fait appel à Guerre, un impitoyable chasseur décidé à éradiquer les créatures magiques. Mais l'espoir de briser la malédiction pousse le prince et le chasseur à s'allier, malgré leur haine mutuelle, pour s'enfoncer au cœur de la forêt... Dans ce royaume de secrets, qui sait si les monstres se cachent dans les ombres ou les reflets ?



Ce qu’il y a de bien, avec les romans d’Isabelle Lesteplume, c’est que j’ai toujours la garantie de passer un bon moment. Ça n’a pas loupé avec le petit dernier qui se présente comme une réécriture M/M du conte de Blanche-Neige.



Bien que ce qui m’a attiré avant tout était la promesse d’une romance entre nos deux protagonistes, l’auteure a su démontré une nouvelle fois qu’elle sait construire un univers riche et complexe ainsi qu’une intrigue intéressante, tout comme elle sait mener ses personnages à travers moult périples, leur fait vivre bien des péripéties et des dangers qui sauront les faire évoluer et créer des liens.



Parmi eux, nous avons le Prince Siloë, un homme aussi magnifique que méprisé au sein de la cour de sa belle-mère qui cherche à se débarrasser de lui. C’est un jeune homme qui a peu d’estime de lui-même et de son importance, car il n’est pas habitué à ce qu’on s’attache à lui, mais qui a une langue bien acérée et qui n’hésite pas à balancer des piques à Guerre, d’abord pour l’attaquer puis ensuite pour le taquiner. Malgré son vécu tragique, il a un côté joueur et une part de mystère qui entoure ce personnage, de par ses origines mystérieuses et la magie de sang qu’il pratique. Je me suis beaucoup attachée à ce personnage.



Ensuite, nous avons Guerre (nous apprendrons plus tard qu’il ne s’agit pas de son vrai nom), un chasseur endurci qui a passé de nombreuses années à traquer et tuer les créatures magiques pour qui il n’éprouve que haine et méfiance. Penser que ce personnage n’est que le stéréotype du chasseur ou guerrier dur, sans sentiments, serait mal connaître l’auteure et nous apprenons au fil des pages que Guerre a lui-aussi ses blessures et qu’il a fallu qu’il s’endurcisse. C’est le personnage qui va le plus évoluer au cours du roman, en apprenant à aller au-delà de ses préjugés et à briser peu à peu les barrières qu’il s’est forgé autour de lui (bon, avouons-le, Siloë a aussi pris un malin plaisir à le faire) pour se laisser être vulnérable et s’attacher à nouveau à quelqu’un. Ce ne sera pourtant pas chose facile, notre chasseur est quelqu’un de têtu et son vécu tragique fait qu’il a peur de s’attacher à nouveau à quelqu’un. J’ai vraiment beaucoup aimé son développement de personnage et la relation qui se noue entre lui et Siloë.



Il s’agit ici d’un slow burn enemies to lovers, donc une romance qui évolue lentement entre deux personnages qui se détestent, mais l’attente en vaut largement la peine et c’est un bonheur de les voir se rapprocher petit à petit, d’autant que la plupart de leurs échanges provoquent de vraies étincelles. C’est un délice de les voir se taquiner tout comme les voir se rapprocher à travers des confidences ou des périples partagés.



Nos personnages secondaires ne sont pas en reste. Il y a également les deux fées gardiennes, Magda, capable de se transformer en louve, et Akim, capable de se transformer en corbeau, qui vont former, avec Siloë et Guerre, un groupe haut en couleur qui collaborent bien malgré eux pour venir à bout de la malédiction. La collaboration n’est pas toujours aisée. Magda et Akim ne font pas entièrement confiance à Siloë, dont elles considèrent la mère comme responsable de leurs malheurs. Guerre a pour devoir de ramener le cœur du prince à sa belle-mère, et il déteste les créatures comme les fées ou les trolls. Le voyage n’est pas toujours de tout repos entre les nombreux périples et les tensions entre les personnages, surtout du côté de Guerre qui est buté et qui est fermé comme une coquille. Le voyage est donc une bonne occasion pour eux d’apprendre à se connaître, voir au-delà des apparences, voir se briser peu à peu leurs préjugés, et enfin se lier petit à petit jusqu’à devenir inséparables. Que des choses que j’aime !



J’ai aussi bien aimé le troll et l’elfe Toky et Fidelin qui vont accompagner notre groupe pour une partie du voyage, ainsi que le mystérieux Roi Cerf que je ne décrirai pas pour ne rien dévoiler, mais c’est un personnage important du roman, malgré le peu de fois qu’il apparaît, et il dégage une présence vraiment imposante et charismatique !



J’ai aimé cet univers où humains et créatures magiques se côtoyaient, vivant en parfaite harmonie, jusqu’à la guerre qu’ils se sont menés, avec cette histoire de malédiction qui aurait été déclenchée par la reine Gwendolyne, mère de notre héro, et qui aurait plongé le royaume dans un hiver éternel où les fleurs et les arbres verdoyants appartiennent au passé, où les créatures sont soit traquées et tuées par les chasseurs, soit contraintes de se cacher. Je me suis interrogée sur les tenants et aboutissants de cette malédiction, sur la nature réelle du prince Siloë ainsi que ses origines. L’auteure nous offre les informations au compte goutte, parfois elle nous ajoute des interrogations au lieu de réponses. Qui est ce mystérieux Roi Cerf qui régnait sur la forêt, pourquoi a-t-il disparu, qu’a fait réellement la reine Gwendolyne et quels secrets a-t-elle emporté dans sa tombe, pourquoi les créatures se sont retournées contre les humains après des années de vie en parfaite harmonie, etc. Que de mystères dont les réponses sont, pour moi, satisfaisantes.



J’ai aussi aimé la présence de la diversité dans ce roman, au-delà de la romance entre Siloë et Guerre, mais quand on connaît les romans de l’auteure, on ne sera pas surpris et même plutôt ravis ! J’ai aussi aimé la façon dont l’auteure a su réutiliser les éléments cultes du conte d’origine, à savoir la pomme, le cercueil de verre ou encore le miroir magique. En bref, ce roman a été une réussite de mon côté et Isabelle Lesteplume confirme de plus en plus sa place parmi mes auteurs.es préférés.es.


- Nous avons fait un peu de reconnaissance, déclara la fée-louve. Val'artar avait raison, les collines du nord sont contaminées, et un conflit a éclaté à l'est depuis notre dernier passage. Nous allons bel et bien être obligés de traverser le Marécage des Âmes.

- C'est ironique, s'amusa amèrement Akim. Tout le monde évitait cet endroit avant la malédiction, et voilà qu'il devient le moins dangereux...

- Je suppose qu'il ne s'agit pas d'un joyeux petit marécage verdoyant où nagent les canards ? s'enquit Siloë sans grand espoir.

Les deux fées lui jetèrent un regard amusé.

mardi 22 octobre 2024

Orgueil et Préjugés - Jane Austen.



Élisabeth Bennet a quatre sœurs et une mère qui ne songe qu’à les marier. Quand parvient la nouvelle de l’installation à Netherfield, le domaine voisin, de Mr Bingley, célibataire et beau parti, toutes les dames des alentours sont en émoi, d’autant plus qu’il est accompagné de son ami Mr Darcy, un jeune et riche aristocrate. Les préparatifs du prochain bal occupent tous les esprits… Jane Austen peint avec ce qu’il faut d’ironie les turbulences du cœur des jeunes filles et, aujourd’hui comme hier…




Orgueil et Préjugés est l’un de ces classiques qui reste, à ce jour, acclamé par les critiques, si bien qu’il se présente comme un « must » à lire dans la littérature classique. Forcément, je m’attendais à être conquise et j’étais très curieuse de débuter ce roman.



Au final, je suis complètement passée à côté. Si ma lecture a été divertissante et intéressante sous certains aspects, je dois avouer que le charme n’a malheureusement pas opéré chez moi et que j’ai un peu de mal à comprendre tout l’engouement qu’on prête à ce roman, tout en lui reconnaissant ses qualités. Je ne sais si c’est du au style d’écriture ou aux personnages, pour la plupart oubliables et peu attachants, ou si ce n’était tout simplement pas le bon moment pour moi de découvrir ce roman.



Concernant les personnages, il n’y a bien que Darcy et Elizabeth pour se démarquer. Le premier n’étant pas toujours sympathique mais suffisamment énigmatique et intéressant pour me subjuguer et me faire attendre chacune de ses scènes. Quant à Elizabeth, elle a une répartie qui fait plaisir, une certaine indépendance, un comportement qui frise parfois l’insolence jusqu’à me faire lever les yeux aux ciel mais qui laisse de la place à un développement de personnage plutôt intéressant. En effet, blessée dans son orgueil suite à une remarque que Darcy a faite à son sujet, Elizabeth a décidé de se forger sa propre opinion de Darcy, alimentée par les ragots d’une tierce personne, et de se montrer insolente et provocatrice en sa présence, comme pour se venger de la mauvaise impression qu’il lui a laissé au départ. Bien-sûr, tous deux sont en tord. Darcy a fait une remarque sur Elizabeth sans avoir pris la peine de la connaître avant et Elizabeth, offusquée, a décidé de le détester depuis ce jour et s’est formée sa propre image de lui avec les préjugés qu’elle lui porte. Tous deux se sont faits une image de l’autre, sans apprendre à le connaître.



Au fil du roman, nos deux futurs tourtereaux vont apprendre à se connaître, avec Darcy qui va finalement tomber sous son charme et je dois avouer que c’était très divertissant de le voir aussi courtois avec elle avec notre héroïne qui ne se doute pas un instant de la raison de son étrange comportement et qui se demande bien quelle mouche l’a piquée. J’ai aimé leur dynamique, avec un Darcy d’abord fort peu courtois puis maladroit dans sa façon d’agir avec Elizabeth pour finir par tomber sur son charme et toutes les attentions qu’il fera pour elle, puis les piques d’Elizabeth qui finira par voir que, malgré sa clairvoyance dont elle est si fière, la vanité et sa fierté l’auront bien aveuglé parce qu’elle a été froissée par Darcy à leur première rencontre. Tous deux ont un développement de personnage plutôt intéressant, une occasion pour l’auteure de nous faire ces morales intemporelles : il ne faut pas toujours se fier à la première impression, les apparences sont parfois trompeuses, il faut apprendre à connaître avant de juger, etc.



Les autres personnages sont assez oubliables et peu attachants, outre une petite poignée. Je pense notamment à Jane, sœur aînée d’Elizabeth, qui sont toutes les deux très proches, autant des amies et confidentes que des sœurs, Mr Bennet est assez amusant dans son humour grinçant (ses remarques à l'encontre de ses filles ou de sa femme sont cependant parfois cruelles, même si elles sont drôles...) et Mrs Bennet est amusante aussi mais à travers le ridicule de son comportement avec son insistance à marier toutes ses filles à tout prix et les sempiternelles allusions à ses « pauvres nerfs ». Sinon, les autres personnages et notamment la sœur de Bingley ou les autres sœurs d’Elizabeth (surtout Lydia) sont tout simplement agaçants.

J’ai eu beaucoup de mal à avancer dans ma lecture. Il faut dire qu’il ne se passe vraiment pas grand-chose. On suit simplement la famille Bennet et le train train quotidien de la petite bourgeoisie anglaise du XIXe siècle avec ses bals et autres rencontres mondaines, les éternels cancans, et qu’est-ce qu’il y en a ! à peine un personnage quittait la pièce, les autres occupants de la pièce s’empressent de raconter sur son dos. Ça jacasse, ça caquette, ça raconte sans cesse sur les uns et les autres, et qu’est-ce que c’est agaçant ! Je me rends pourtant bien compte que c’était délibéré de la part de Jane Austen qui a choisi, dans son roman, de nous peindre, voire dénoncer et se moquer de la petite bourgeoisie anglaise de son époque. Comme quoi, l’Humanité n’a pas changé depuis tout ce temps !



Bien-sûr, j’admets bien volontiers que, derrière ces occupations frivoles, les thèmes abordés par Jane Austen sont plus profonds et portent sur la condition féminine à son époque. Il n’y a en effet pas de vie pour une femme en dehors du mariage, et si les tentatives de Mrs Bennet de marier à tout prix ses filles peuvent nous paraître dérisoires, il se cache une réalité plus dure. C’est pour échapper à la disgrâce ou la pauvreté et la misère que ces filles sont poussées au mariage. Le mariage leur apporte une place dans la société mais c’est surtout une sécurité, c’est la garantie d’avoir quelqu’un pour subvenir à ses besoins, lui offrir un foyer qu’elle devra gérer, en plus de la descendance à assurer. Le fait que Jane Austen ait pu dénoncer tout cela à son époque force quand même l’admiration !



Le roman n’est donc pas dénué d’intérêt, et je lui reconnais bien volontiers ses qualités. Le fait est que je me suis quand même ennuyée pendant une bonne partie de ma lecture. Peut-être avais-je besoin d’une intrigue pour que ce roman me passionne, ou d’un contexte autre que cette vie au quotidien, ou peut-être ce contexte de quotidien de cette gentry n’a tout simplement pas suffi à m’intéresser, notamment avec la vie oisive de ces dames et messieurs qui n’ont comme soucis que les papotages, les mariages, les réceptions, les chasses, etc.



Darcy (Matthew Macfadyen) et Elizabeth (Keira Knightley)
dans l'adaptation de 2005


Heureusement qu’il y a des dialogues pour rendre le récit plus vivant et quelques touches d’humour et de sarcasmes toujours bienvenues. Cela dit, je n’ai pas toujours adhéré au style d’écriture. Jane Austen a une jolie plume mais son charme n’a pas entièrement opéré sur moi, j’ai même parfois trouvé son écriture alambiquée, avec de grandes phrases pour ne pas dire grand-chose au final et certaines scènes, que j’aurais aimé voir à travers des dialogues, qui ne sont que des paragraphes [spoiler] par exemple, la seconde demande en mariage de Darcy et Elizabeth qui consent, et le bonheur qu’ils partagent suite à cela [/spoiler]



J’aurai donc enfin découvert ce classique. Je ne suis malheureusement pas tombée sous le charme, ni ai compris tout l’engouement autour de ce roman. Cela dit, il n’est pas dénué d’intérêt ou de qualités, il possède de nombreux aspects positifs, mais ma lecture fut tout de même très laborieuse et je me suis souvent ennuyée. Cela dit, je suis contente d’avoir enfin pu découvrir cette œuvre majeure de la littérature anglaise, et de faire enfin connaissance avec Monsieur Darcy !


- Arrivez ici, mademoiselle, lui cria son père dès qu'elle parut. Je vous ai envoyé chercher pour une affaire importante. Mr Collins, me dit-on, vous aurait demandée en mariage. Est-ce exact ? 

- Très exact, répondit Elizabeth.

- Vous avez repoussé cette demande ?

- Oui, mon père.

- Fort bien. Votre mère insiste pour que vous l'acceptiez. C'est bien cela, Mrs Bennet ?

- Parfaitement ; si elle s'obstine dans son refus, je ne la reverrai de ma vie.

- Ma pauvre enfant, vous voilà dans une cruelle alternative. À partir de ce jour, vous allez devenir étrangère à l'un de nous deux. Votre mère refuse de vous revoir si vous n'épousez pas Mr Collins et je vous défends de reparaître devant moi si vous l'épousez.

Elizabeth ne put s'empêcher de sourire face à cette conclusion inattendue.

mercredi 9 octobre 2024

Trahison sanglante : Le dossier Dracula - Mark A. Latham.


Londres ne parle que de la mort violente d'un noble transylvanien, des mains d'un certain professeur Van Helsing.

Mycroft Holmes demande à son frère Sherlock d'enquêter sur les véritables causes de la mort de Lucy Westenra et du mystérieux aristocrate. Holmes soupçonne que ceux que l'on acclame comme des héros ne sont pas ce qu'ils paraissent être... et ce qui commençait comme une quête visant à laver le nom d'un homme révèle une conspiration qui entraîne Holmes et Watson dans les montagnes de Transylvanie, jusqu'au sinistrement célèbre château de Dracula.



Le mal a été vaincu ! Le comte Dracula est mort, tué par le Pr Abraham van Helsing et ses amis qui peuvent à présent dormir tranquille, à l’abri de toute menace. C’est mal connaître Sherlock Holmes qui a été chargé d’enquêter sur le dossier Dracula et d’apporter de la lumière sur les mystérieux meurtres du comte Dracula et de ses supposées victimes, et de remettre en question le récit héroïque dressé par Van Helsing et ses amis.



Sherlock Holmes et Dracula faisant partie de mes deux amours littéraires, un tel crossover ne pouvait que me plaire ! Notre détective rationnel se retrouve confronté à une histoire de vampire, bien avant les événements de la nouvelle du Vampire du Sussex, qui a mis en émoi toute l’Angleterre. Dracula, un vampire ? Sherlock Holmes n’y croit pas une seconde ! En revanche, derrière cette croyance, il y a des meurtres qui sont bien réels.



C’est ainsi que Sherlock Holmes et le Dr Watson vont éplucher chaque dossier de l’affaire Dracula, faire la rencontre des principaux acteurs de l’affaire et les interroger (le professeur Van Helsing, le couple Harker, le Dr Seward et Lord Godalming), se rendre dans les lieux emblématiques de l’histoire tels que l’abbaye de Whitby, l’asile de fous où travaille le Dr Seward en passant au château de Dracula en Roumanie ! Un bien vaste programme qui n’a pu que me ravir. J’ai beaucoup aimé la rencontre entre ces deux univers si chers à mon cœur.



Pourtant, l’auteur a pris un parti qui aurait pu facilement me déplaire. En effet, les héros de Dracula n’ont pas le beau rôle pour la plupart d’entre eux [spoiler] notamment Van Helsing qui est ni plus ni moins que l’antagoniste du roman, et Dracula est sa malheureuse victime que Van Helsing n’a eu de cesse de harceler de son vivant pour enfin monter toute une mise en scène pour justifier son futur assassinat [/spoiler]. Un tel parti pris aurait pu me contrarier, car Van Helsing fait partie de mes personnages préférés dans le roman de Bram Stoker et, qu’on se le dise, ce pastiche ne nous rend vraiment pas sympathique les personnages de Dracula. Pourtant, j’ai laissé passer cet aspect du roman car, honnêtement, j’ai trouvé l’intrigue très intéressante et vraiment prenante. J’ai passé un si bon moment avec ce pastiche que je lui pardonne volontiers d’avoir fait des personnages que j’adore des antagonistes.



Je n’ai trouvé que deux aspects à m’avoir chagriné au cours de ma lecture, qui est : une fin brutale (j’aurais voulu savoir ce qu’il advenait de certains personnages par exemple) et un Van Helsing qui parle avec un accent germanique caricatural. Un vrai cheu t’enfant, ja ja mein herr ! Toutefois, ces défauts ne m’ont pas gâché la lecture car j’ai passé un agréable moment avec ce roman.



Même dépossédée de son aspect surnaturel, l’affaire Dracula n’en demeure pas moins intéressante puisque Sherlock Holmes et le Dr Watson vont découvrir un complot d’envergure ayant entraîné la mort de plusieurs personnes. Si notre duo n’a aucun doute sur l’identité du coupable, reste à trouver les preuves nécessaires mais aussi découvrir le mobile des crimes et mettre à jour l’implication de Van Helsing et son équipe. Cela donne parfois lieu à des scènes savoureuses. J’ai notamment beaucoup aimé la première confrontation entre Holmes et Van Helsing, la rencontre avec Mina Harker, mais surtout la scène où Watson part interroger Seward (je pense que seules ses bonnes manières de gentleman l’ont empêché de se jeter sur son confrère pour lui donner une raclée et lui apprendre le vrai sens du serment d’Hippocrate !) qui font partie des temps forts du roman.



Les personnages de Holmes et Watson sont au plus près de ceux du canon Doylien. J’ai particulièrement apprécié voir un Watson comme je les aime : certes pas au même niveau intellectuellement que Holmes, mais pas idiot pour autant, avec un sens moral et une loyauté de fer, qui est débrouillard. Bref, notre Watson s’en sort très bien et on appréciera les scènes d’amitié entre Holmes et Watson.



Au niveau de l’intrigue, elle est bien menée malgré son dénouement précipité et sa fin brutale. Le roman n’est ni trop court ni trop long, ainsi l’enquête ne s’éternise pas mais elle n’est pas bouclée en deux temps trois mouvements. Le récit est fluide, sans temps mort, fidèle au canon Doylien, et offre une revisite intéressante du roman Dracula. Pour ma part, ce roman est une réussite et même un coup de cœur !



Nota bene : pour une meilleure compréhension du roman, il vaut mieux avoir lu Dracula de Stoker, cela permet de mieux appréhender certains détails. Toutefois, ce n’est pas indispensable. Trahison sanglante nous récapitule assez bien les événements de Dracula et le rôle de chacun de ses personnages, donc si vous n’avez pas lu le roman, vous comprendrez tout de même l’essentiel !


Holmes esquissa son plus léger sourire et inclina la tête pour saluer son adversaire.

— Magnifique déduction, dit mon ami. On dirait presque que vous attendiez notre venue.

— Ah, mais déduire est un cheu t’enfant, monsieur Holmes. Obzerver, zupposer… zimples devinettes. C’est une science, oui, mais une science bien paufre qui cherche touchours à dénouer le mystère du moment, plutôt que zelui de l’existence. Les plus grands esprits ne consacrent leur attention qu’aux grands problèmes.

Je lançai un coup d’œil hésitant à Holmes. Pour le spectateur occasionnel, Van Helsing ne faisait que soutenir une idée philosophique. Cependant, pour quiconque connaissait Holmes comme je le connaissais moi-même, il ne faisait aucun doute que le professeur venait d’adresser la pire des insultes au grand détective.

lundi 7 octobre 2024

Le Sad Ghost Club - Lize Meddings.


Vous êtes-vous déjà senti·e seul·e ou anxieux·euse ? Comme si vous n'aviez votre place nulle part et que vous étiez... invisible ? Trouvez votre famille d'âme avec le Sad Ghost Club ! 

C'est l'histoire d'un de ces jours - un jour si mauvais que vous ne pouvez pas sortir de votre lit et, si vous y arrivez, vous le regrettez instantanément. Mais même les pires journées peuvent vous surprendre. Lorsqu'un fantôme triste, seul, aperçoit un autre fantôme lors d'une fête à laquelle il ne voulait pas vraiment aller, il décide de lui parler.

C'est à partir de ce moment que tout change pour eux. Parce que cette nuit-là, ils créent le Sad Ghost Club - une société secrète pour les personnes anxieuses, un club pour tous ceux et toutes celles qui ont du mal à trouver leur place dans le monde.



Malgré sa couverture et son titre, nous n’avons pas affaire ici à un récit fantastique. Il y a bien des fantômes dans cette histoire, mais pas le genre auquel on pourrait s’attendre. Le fantôme est ici une métaphore de la dépression ou de l’anxiété sociale. Ce n’est donc pas un roman fantastique mais plutôt une histoire qui verse davantage dans la psychologie et qui évoque l’anxiété sociale. C’est un sujet qui commence à être de plus en plus mis en lumière, notamment dans la fiction, ce que j’apprécie beaucoup en tant que personne anxieuse, ça donne ce sentiment d'être vu, entendu et compris.



Nous suivons Sam ou SG de son petit surnom, un fantôme anxieux et triste, dont l’esprit est bouleversé par plusieurs questions, incertitudes et pensées négatives : que va-t-il arriver de sa vie s'iel échoue à ses devoirs ? Finira-t-iel chez ses parents, sans travail et sans argent ? Iel est invité.e à une soirée, doit-iel aller à cette soirée où on l'a invité ? Et si personne n’allait faire attention à iel ? Va-t-iel paraître ridicule ? S.G. finit par se rendre à cette fête, à laquelle iel va rencontrer un autre fantôme avec qui iel va se lier d’amitié : Socks, un autre fantôme anxieux chez qui S.G. va se retrouver. Au fil des discussions, S.G. et Socks vont se trouver des points communs et découvrir qu’ils ne sont pas seuls dans ce monde, et S.G. décide de se mettre en quête d’autres personnes comme eux.



S.G. est un personnage sympathique à suivre. On ne sait pas si S.G. est une fille ou un garçon, les dialogues anglais laissent planer le doute et les traducteurs ont choisi une écriture inclusive pour garder la neutralité de l'original et pour permettre aux lecteurs, même dans la version française, de s’identifier à nos personnages.



L’idée de représenter les personnages souffrant d'anxiété et de dépression par le prisme d'un fantôme était originale, ça faisait une bonne métaphore de l'invisibilité. Les dessins ne sont certes pas révolutionnaires, mais simples et efficaces. C’est une histoire qui parlera, je pense, à beaucoup d’entre nous et dans laquelle on s’y retrouvera avec la manie de s’auto-dévaluer, d’avoir des pensées négatives et des doutes qui parasitent notre esprit et nous empêchent d’apprécier pleinement certaines choses ou de saisir des opportunités. Comment vit-on avec l’anxiété sociale, comment évoluer dans une société quand on ne correspond pas à ses standards, comment se faire des amis quand on a pas le contact facile ou qu’on ne sait pas comment aborder les gens, etc.



J'ai aimé les thèmes abordés. J’ai pu me reconnaître sous certains aspect dans ce petit fantôme qui angoisse pour son avenir, qui ne sait pas comment se comporter au milieu d'une fête et qui ne sait pas comment se faire des amis mais qui finit par découvrir que, peut-être, iel n'est pas seul.e dans ce cas-là, et qu'il y a quelque part une famille d'âmes qui est la sienne me touche. C’est un livre qui se veut optimiste et plein d’espoir et ça fait vraiment du bien ! Trouver des gens semblables à nous, profiter de la vie, se faire des amis, malgré l'anxiété.



C’est donc une BD réconfortante qui traite avec justesse l’anxiété sociale, tout en abordant d’autres facettes de la santé mentale comme la dépression. L’histoire est douce-amère dans le sens où elle aborde des thématiques dures et pas forcément joyeuses mais le récit est optimiste et réconfortant. Pour autant, j’ai trouvé qu’il ne se passait pas grand-chose. L’histoire est sympathique et la lecture fluide, mais j’aurais bien voulu un récit un peu plus rythmé, car ça reste assez léger en terme de contenu, voire d’avancement de l’histoire. J’ai bien aimé le premier tome que j’ai trouvé doux et réconfortant, j’ai moins aimé le second qui est plus dur car il traite de la dépression et que j’ai trouvé qu’il ne se passait pas grand-chose d’intéressant. Peut-être que cela s’arrangera dans la suite. Cela dit, la lecture est fluide, le récit doux et réconfortant et ça explore avec justesse la santé mentale. Une découverte sympathique mais sans plus.

vendredi 27 septembre 2024

Vive la reine des citrouilles - Shea Ernshaw.


Sally Skellington est devenue officiellement la nouvelle Reine des Citrouilles après son union avec son véritable amour, Jack. Mais si Sally adore Jack de tout son être de tissu, elle ne peut en dire autant de son nouveau rôle de reine de la ville d’Halloween. Se retrouvant sous le feu des projecteurs et devant faire face à toute sorte de tâches incombant à la reine, elle ne peut s’empêcher de se demander si elle n’a pas échangé une captivité contre une autre, aussi dorée soit-elle.

Mais quand, avec Zéro, elle découvre accidentellement une porte longtemps cachée menant à un ancien royaume appelé la ville des Rêves, elle déclenche sans le savoir une série d’événements sinistres qui mettront en péril son avenir en tant que Reine des Citrouilles et l’avenir de la ville d’Halloween.

Sally parviendra-t-elle à découvrir ce que cela signifie d’être fidèle à elle-même et pourra-t-elle sauver la ville qu’elle a appris à appeler sa maison ? Ou son futur se transformera-t-il en son pire cauchemar ?


Shea Ernshaw, que j’ai eu l’occasion de découvrir à travers son roman The Wicked Deep, a imaginé ici une suite au film d’animation L’étrange Noël de Monsieur Jack, qui s’est imposé comme un classique, surtout en période d’automne/Halloween. Cette suite met à l’honneur Sally qui a épousé le squelette de ses rêves, Jack Skellington, auprès de qui elle coulera des jours heureux à Halloweentown. Du moins le croit-elle. En épousant Jack, elle ne s’attendait pas à endosser le rôle et les responsabilité de reine des citrouilles, et de devenir soudainement le centre de l’attention. Cette couronne se révèle très vite lourde à porter. Alors qu’elle cherchait momentanément à fuir ses responsabilités, Sally découvre une mystérieuse porte dans la forêt. Sans le savoir, elle va délivrer une ancienne créature qui ne va pas tarder à s’en prendre aux mondes des différentes fêtes…


J’ai replongé avec beaucoup de plaisir dans la ville d’Halloween, aux côtés de Jack et des autres habitants. J’ai également beaucoup aimé découvrir les villes des autres fêtes avec sa propre ambiance, ses habitants et ses coutumes, comme la ville de la Saint Valentin, la ville des rêves, la ville de la Saint Patrick, de Thanksgiving. Cela étoffe un peu plus l’univers de L’étrange Noël de Monsieur Jack et me permet d’assouvir ma curiosité chaque fois que le roman nous fait découvrir ces différents petits mondes. Certains, comme la ville de la Saint Valentin ou la ville des rêves, sont très bien décrits, ce qui nous permet de mieux voyager avec Sally.


J’ai beaucoup aimé l’antagoniste du roman qui fait un méchant tout à fait acceptable et effrayant, et qui nous offre des scènes avec du suspense et de la tension, et que Sally doit échapper à tout prix et qui doit en apprendre plus sur lui, ses origines, pour espérer découvrir comment le vaincre, car elle se retrouve seule dans cette ambitieuse entreprise. C’était aussi intéressant de découvrir les origines de Sally [spoiler] bien qu’elle pardonne trop vite à ses parents le sale coup qu’ils lui ont fait, même s’ils pensaient agir pour son bien… ou alors, je suis peut-être trop rancunière [/spoiler] et de suivre les événements du roman aux côtés de Sally qui est un protagoniste agréable la plupart du temps.


J’ai, en effet, eu un peu de mal à reconnaître Sally qui, je trouve, s’apitoie un peu trop sur son sort dans ce roman. Elle se lamente souvent, ressasse souvent sa tristesse et ses émotions, elle est plus dans la passivité que dans l’action pendant une bonne partie du roman, ce qui ne lui ressemble pas. Bien-sûr, ses états d’âme peuvent être compréhensibles car elle passe de servante à reine des citrouilles, mais là aussi, ça a cloché.


D’où « reine des citrouilles » est si formel que ça ? Oui, Jack est le roi des citrouilles dans le film, et en tant que tel, il s’occupe d’Halloween et des préparatifs liés à cette fête, mais il est davantage considéré comme une célébrité que comme un monarque. Roi des citrouilles est plus un titre honorifique qu’un véritable rôle. Jack n’a pas tant de pouvoirs que ça. Personne n’agit en tant que serviteur avec lui et personne souhaite le voir porter une couronne et s’habiller en roi, alors que c’est ce que les habitants d’Halloween réagissent et exigent de Sally dans ce roman. Ainsi, Sally se retrouve projetée dans cette royauté qui n’existe pas dans le film.


[spoiler] Donc, Sally découvre bien vite qu’elle n’aime pas porter ce titre de reine des citrouilles et les responsabilités qui vont avec. Elle n’aime pas être au centre de l’attention, elle se dérobe quand on veut la coiffer, l’habiller, etc. Elle s’enfuie donc pour prendre l’air, découvre une porte étrange dans la forêt qu’elle ouvre puis referme mal, laissant s’échapper notre méchant sans qu’elle ne s’en aperçoive. Quand elle revient dans la ville d’Halloween, elle voit tout le monde endormi et une montagne de sable partout. Madame pense que c’est une blague d’Am, Stram et Gram, bien que ceux-ci sont également endormis, et Sally... se sent soulagée par ce merveilleux calme, elle est aux anges. Oh bien-sûr, elle trouve cela étrange, que tout le monde soit endormi en même temps, parfois même en pleine rue, et qu’il est d’autant plus étrange qu’elle ne puisse pas les réveiller, mais Sally ne s’affole pas tant que ça. Elle profite du calme ambiant, elle se promène, profite du bonheur de faire ce qu’elle veut sans être observée, elle bénit ce calme. Et c’est là que je me dis « … mais t’es conne ou quoi ? ». Sally n’agit vraiment pas de façon logique ou raisonnée [/spoiler]


Lorsque Sally accepte son rôle de reine des citrouilles, elle le fait suite à un événements des plus… inattendus, voire même étrange [spoiler] Elle rencontre la reine Élisabeth II, endormie par le marchand de sable, et la contempler suffit à Sally pour comprendre qu’elle peut être femme et reine, rester elle-même et régner. Alors certes, le passage qui décrit Élisabeth II est bien écrit, c’est touchant et j’ai été sensible à ce passage car j’admirais aussi cette grande dame mais, je suis désolée, une telle scène n’avait rien à faire dans un roman sur L’étrange Noël de Monsieur Jack. Quitte à faire un parallèle, l’auteure aurait pu choisir la mère Noël, considérée comme la reine de Noël, pour que Sally voit qu’elle peut rester fidèle à elle-même et être reine, être femme et épouse tout en étant reine. Ça me paraît bizarre que Sally se compare à Élisabeth II. La scène est bien écrite mais ça ne colle pas avec l'univers et ça détonne même de l’univers du roman et du film dont il s’inspire [/spoiler], mais ce n’est qu’une opinion purement personnelle.


J’ai également trouvé que l’auteure faisait un usage immodéré de l’italique mais aussi le fait qu’elle nous rappelle, quasiment toutes les pages, que Sally est une poupée de chiffon. Oui, merci, j’avais vraiment besoin que l’auteure nous le rappelle régulièrement, j’aurais pu croire que Sally était un squelette, une sorcière ou une créature du marais !


Pour autant, malgré les défauts que je lui ai trouvé, ça n’en fait pas pour autant une histoire désagréable à suivre, et l’auteure s’en sort plutôt bien avec l’univers du film. Il y a de très bons aspects dans ce roman, notamment l’intrigue, son antagoniste, la découverte des autres villes festives. Simplement, je pense que l’auteure aurait pu aller plus loin pour retranscrire le côté farfelu et spooky du film et affirmer davantage le caractère de Sally. J’ai quand même passé un bon moment de lecture et j’ai été facilement transportée par l’histoire et je pense que, sans tous ces points noirs que j’ai relevé, ce roman aurait pu facilement être un coup de cœur. 


Il me traque dans les ombres et les recoins, essayant de me débusquer en fredonnant sa berceuse mélancolique. Il perçoit rapidement la présence d'une personne en ville, quelqu'un qui est encore debout et qu'il n'a pas encore trouvé - moi. Tout comme le Perce Oreille sait quand un enfant a été sage ou méchant, ou que Jack devine qui a peur des araignées venimeuses ou des loups-garous hurlant à la lune, le Marchand de Sable pressent lorsque quelqu'un s'est pas endormi.

vendredi 20 septembre 2024

Du thé pour les fantômes - Chris Vuklisevic.


Agonie est sorcière. Félicité, passeuse de fantômes.

Le silence dure depuis trente ans entre ces deux filles de berger, jusqu'au jour où la mort brutale de leur mère les réunit malgré elles.

Pour recueillir ses derniers mots, elles doivent retrouver son spectre, retracer ensemble le passé de cette femme qui a aimé l'une et rejeté l'autre.

Mais le fantôme de leur mère reste introuvable, et les témoins de sa vie, morts ou vivants, en dessinent un portrait étrange, voire contradictoire. Que voulait-elle révéler avant de mourir ? Qui était vraiment cette femme fragmentée, multiple ?

Leur quête de vérité emmènera les sœurs des ruelles de Nice au désert d'Almeria, de la vallée des Merveilles aux villages abandonnés de Provence, et dans les profondeurs des silences familiaux.


Après avoir vu ce livre dans de nombreuses PAL lors du Pumpkin Autumn Challenge depuis l’an dernier, j’étais vouée à être piquée de curiosité. La jolie couverture et le résumé, qui promettait un récit bien intéressant, ont achevé de me convaincre de l’ajouter à ma PAL.



Ce que j’en retiens, au final, c’est que ce roman n’a vraiment pas été ma tasse de thé. De la magie, il y en a, des fantômes aussi, mais je n’ai pas été ensorcelée par ma lecture et je n’ai pas été sensible à l’esprit de ce récit. Je dirais même, après avoir lu tous les avis élogieux, que je suis passée à cô-thé.



Pourtant, qu’est-ce que je suis déçue de ne pas avoir aimé ! Ce roman avait tous les ingrédients pour me plaire, mais la lecture a été bien laborieuse alors que j’aurais souhaité être emportée par l’histoire comme la majorité des lecteurs et lectrices. Au fil de ma lecture, il m’est devenu évident que c’était le genre de récit « ça passe ou ça casse », et ce qu’on peut dire, c’est que la tisane n’est pas passée chez moi. J’ai trouvé le récit très alambiqué. Je n’ai pas du tout été sensible à la plume de l’auteure et je n’ai pas accroché aux constructions narratives. D’un côté, nous avons une construction avec des phrases et des paragraphes, de l’autre ça devient une construction comme on en retrouve dans les livres de poésie.



Le ton se veut poétique et mystique mais je ne l’ai trouvé que froid et distant. L’histoire nous est racontée par un narrateur extérieur, et cela donne un côté impersonnel et distant, et les touches d’humour de ce narrateur dont on ne sait rien ne m’ont pas décroché le moindre sourire et m’ont plutôt sorti du récit, d’autant plus qu’il s’adresse à nous comme si on se connaissait et je n’ai pas accroché à la familiarité de son approche, même si le narrateur se veut comme quelqu’un d’amical qui souhaite nous raconter une histoire hors du commun tout en jouant les guides pour les pauvres touristes que nous sommes, car le roman se veut aussi comme une ode au sud de la France et plus particulièrement la ville de Nice, mais qui nous offre plutôt une version clichée de la Provence.



La narration et le style ont donc été un gros bémol pour moi. S’y ajoutent des personnages froids et apathiques. Je ne les ai pas du tout trouvé attachants. Il n’y a peut-être qu’Egonia alias Agonie, sorcière de son état et la cadette mal aimée et rejetée, pour qui j’ai eu un peu d’empathie, et Vera la sorcière espagnole qui m’a semblé un brin attachante. Concernant la mère, Carmine, je ne l’ai pas du tout trouvé attachante. Concernant Félicité, je n’ai ni amour ni haine pour elle. Elle a le mérite de se rattraper un peu concernant son attitude avec sa sœur, et le lien des deux sœurs pendant leur jeunesse était plutôt attachant, contrairement à leur mère qui n’a aucun point rédempteur pour moi.



Concernant le plot twist autour de Carmine, l’auteure aura réussi à me surprendre mais pas à m’émouvoir car Carmine reste pour moi le personnage le plus apathique du roman. Si son vécu et les tragédies de sa vie peuvent expliquer ce qu’elle est devenue et son attitude envers ses filles, cela ne justifie en rien son comportement inacceptable et ne la rend pas plus sympathique à mes yeux. Même si je doute que l’auteure cherchait à excuser son attitude mais plutôt nous dévoiler comment son passé et les tragédies ont fait d’elle ce qu’elle est devenue, je ne suis pas parvenue à ressentir la moindre empathie pour elle. Je reste surtout indignée de la maltraitance et la négligence qu’elle a infligé à sa cadette et sa façon de glorifier son aînée.



Les longueurs qui parsèment la lecture ont également été un frein pour moi. L’intrigue met du temps à démarrer et j’ai eu assez de mal à me retrouver dans les différents événements entre passé et présent car j’ai trouvé la façon de voyager entre les époques assez brouillon. On se retrouvait propulsés dans le passé, puis dans le présent, à suivre chacune des sœurs pour passer ensuite à leur mère, Carmine. C'est tout à fait déstabilisant.



Passons tout de même aux points positifs car il y en a (si, si). J’ai plutôt bien aimé l’empreinte de mystère et de magie du récit. J’ai aimé qu’il s’agisse d’une famille qui baigne dans le surnaturel, entre la mère qui déclenche foudre et tempête, l’aînée qui peut voir et parler aux fantômes et qui se sert de ses thés pour faire parler les fantômes et délier certaines vérités, et la cadette sorcière qui laisse échapper des papillons noirs à chaque fois qu’elle parle et qui voit pourrir ou se dégrader chaque chose qu’elle touche et comment elle a appris à vivre avec ses pouvoirs et les accepter. J’ai aimé le lien que les deux sœurs ont partagé quand elles étaient petites, avec Félicité qui jouait avec Egonia en l’absence de leur mère. J’ai trouvé intéressant la partie autour des différents thés et leur pouvoir, les différents fantômes que l’on rencontre dans le récit. Je reconnais aussi que le récit présente une certaine originalité.



Mais, de façon générale, ce roman est une déception, ce qui est dommage car j’aurais tellement voulu faire partie des lecteurs qui ont adoré ce récit. Les gros bémols ont été les longueurs, la narration et le style d’écriture, je n’ai pas non plus réussi à m’attacher aux personnages. Tout cela a donné lieu à une lecture bien laborieuse. Je n’ai pas réussi à entrer dans le monde de l’auteure et à être sensible à la poésie de son récit. Dommage…


Personne au village n’aime avoir affaire aux deux petites du berger. L’une parce qu’elle rampe et cliquette dans les ombres, couverte de suie, l’autre parce qu’elle parle aux morts et dit des vérités qu’on n’a pas très envie d’entendre.


mardi 17 septembre 2024

Mooncakes - Suzanne Walker et Wendy Xu.


Nova Huang en sait plus sur la magie qu’aucune autre sorcière adolescente. Elle travaille à la librairie de ses grands-mères et les aide à enquêter sur les évènements surnaturels de leur ville de Nouvelle-Angleterre. 

Une nuit, elle suit les traces d’une louve-garou blanche dans les bois quand elle tombe sur son amour d’enfance : Tam Lang, combattant un démon dans les bois. Pour sauver la magie des loups, Tam va demander de l’aide à Nova.




Mooncakes est une histoire cosy saupoudrée de magie, de bienveillance, de diversité et d’amour dans laquelle nous suivons Nova, jeune sorcière en apprentissage qui vit chez ses grands-mères. Un jour, elle retrouve Tam son ami.e d’enfance qu’elle avait perdu.e de vue depuis quelques années, et qui a la particularité d’être un.e loup-garou. Lorsqu’elle découvre que Tam a des ennuis avec un démon, elle lui propose de vivre avec elle et de l’aider à mener l’enquête sur cette créature…



C’est une lecture mignonne qui se lit bien volontiers pour la saison automne/Halloween car l’histoire s’y prête facilement. Nous avons une intrigue autour de la magie, dans un style similaire à Sabrina l’apprentie sorcière, et autour des apparitions mystérieuses d’un démon qui aurait été invoqué par une autre sorcière. L’intrigue autour de la magie et l’affaire autour du démon n’est pas très complexe ou prenante au point de nous tenir en haleine, mais elle fait bien son travail et sait maintenir notre intérêt jusqu’au bout, et le mélange spooky entre sorcières, loup-garou, démons et secte est intéressant. Il y a une belle réflexion autour du passage entre l’adolescence et l’âge adulte.



Le style graphique est plaisant, doux, avec une palette de couleur chaleureuse, mais ce que je retiens le plus de ce roman graphique est la part donnée à l’inclusion et la diversité sous plusieurs aspects : le handicap, le genre, l’orientation sexuelle, la couleur de peau, etc. Nova et Tam sont tous deux Chino-Américains, Tam est non-binaire, les deux grands-mères vivent en couple, Nova est atteinte de surdité et son handicap est bien intégré au récit car elle adapte sa pratique de la magie en fonction de sa surdité, et bien-sûr il y a l’histoire d’amour entre Nova et Tam qui est plutôt mignonnette. C’était intéressant et agréable de voir autant de diversité dans cette histoire.



En bref, une lecture sympathique mais non mémorable. Cela dit, c’est cozy et spooky à la fois, idéal pour la saison, et on appréciera la part belle donnée à l’inclusion et à la diversité !

mercredi 4 septembre 2024

Mémoires de la forêt (T.2) Les Carnets de Cornelius Renard - Mickaël Brun-Arnaud.


Les festivités d’automne débuteront bientôt à Bellécorce. La forêt prend des airs de fête et tout le monde s’y prépare. 

Mais, chez Archibald Renard, arrive soudain un visiteur qui risque bien de gâcher les réjouissances : Célestin Loup prétend, documents à l’appui, être le véritable propriétaire de la librairie, qui aurait appartenu à son grand-père.

Expulsé de ce lieu qui est toute sa vie, Archibald doit faire la vérité sur cette histoire. Accompagné de son neveu Bartholomé, il part en quête des carnets que son propre grand-père, Cornélius, désormais incapable de s’exprimer par lui-même, a confié à une mystérieuse société secrète. Et celle-ci semble déterminée à s’assurer que le renard est digne des souvenirs de son ancêtre…



Le train train quotidien confortable d’Archibald Renard est chamboulée par l’arrivée d’un dénommé Célestin Loup qui proclame, preuve à l’appui, que la librairie appartient à sa famille et non à celle de la famille Renard qui l’aurait subtilisé illégalement à son grand-père, Ambroise Loup. Aidé du maire, il fait expulser Archibald de sa librairie chérie.


Bouleversé, Archibald tente de découvrir le fin mot de l’histoire auprès de son grand-père Cornélius. Hélas, ce dernier n’a plus toute sa tête. Pourtant, au cours d’un bref éclat de lucidité, celui-ci conseille à son petit-fils de rechercher cinq carnets qui lui permettront de découvrir la vérité. C’est ainsi que, accompagné de son neveu Bartholomé, un renardeau chétif et maigrelet mais surtout rat de bibliothèque, Archibald se met en quête des carnets remis à différents membres de la confrérie de la plume afin de prouver que la librairie appartient bien à la famille Renard



Pour récupérer les carnets, Archibald et son neveu doivent voyager dans la forêt et faire la rencontre de personnages tous les plus originaux les uns que les autres. Une troupe de théâtre composée de rongeurs, un chat comme capitaine de navire qui n’a jamais pris l’eau, un hibou auteur d’une série de romans policiers à succès, etc. Ces personnes vont soumettre nos deux protagonistes à une série d’épreuves ou d’énigmes, ou sinon devoir rendre service avant d’accéder aux précieux carnets qui sont riches en révélations mais aussi en émotions, car nous y découvrons le passé de Cornélius Renard. Ce dernier, alors qu’il était un jeune louveteau ayant perdu sa famille, se fait recueillir par la famille Loup et lie des liens étroits avec le jeune Ambroise et sa sœur à la santé fragile… Si les aventures de l’oncle et du neveu pour accéder aux carnets se laissent lire, je dois avouer avoir nettement préféré l’histoire de Cornélius dont j’attendais la suite avec impatience !



Lorsque le récit a commencé à évoquer « l’orage » qui a chamboulé la tête de Cornélius et ses pertes de mémoires, j’ai eu peur que le tome ne reprenne la même recette que le précédent. Lectrice de peu de foi que je suis ! Si les souvenirs, la mémoire (ou la perte de mémoire) semblent être des thèmes récurrents (quoi de plus logique pour une série qui s’intitule Mémoires de la forêt), l’auteur sait renouveler son récit et nous offrir une histoire tout aussi touchante que la précédente. Si les maladies mentales sont donc une nouvelle fois présentes dans ce récit, l’auteur met surtout l'accent sur les secrets de famille, l'amour, l'amitié, l'acceptation, et le deuil, le tout traité avec beaucoup d'humanité. J’ai également apprécié que le roman ne soit pas manichéen alors que l’auteur aurait pu facilement tomber dans le schéma « famille loup = antagonistes » et que [spoiler] à la fin, après les secrets dévoilés au grand jour, les deux familles se réconcilient [/spoiler]



J’avoue avoir préféré ce tome au précédent (même si celui-ci était bien sympathique). J’ai aimé qu’on se concentre cette fois sur Archibald et sa famille. Dans le tome précédent, Archibald n’était finalement qu’un compagnon de route, et l’intrigue se reposait davantage sur Ferdinand Taupe et son épouse disparue. Dans ce second tome, la famille Renard et la librairie familiale sont au cœur du récit ! J’ai beaucoup apprécié que l’intrigue se centre sur Archibald, voir son neveu entrer en scène, découvrir le passé du grand-père ainsi que l’histoire de la librairie. J’ai beaucoup aimé découvrir l’histoire de Cornélius Renard et ses liens avec la famille Loup, l’amour que lui et Ambroise Loup se sont portés, le trio que Cornélius, Ambroise et Mirabelle sa sœur chétive ont formé avec l’amour qu’ils ont partagé et la tragédie qu’ils ont vécu. C’était très touchant, et l’auteur aura su me surprendre sur plus d’un point. Mon cœur saigne encore pour Ambroise et Cornélius [spoiler] dont les retrouvailles m’ont beaucoup touché [/spoiler]



Le tome n’est pas dénué d’humour pour autant. C’est un récit qui sait aussi être drôle dans ses péripéties. J’ai aimé quelques références historiques ou culturelles comme le maire de la forêt, un petit rongeur mais avec beaucoup d’ambition et dont le nom n’est pas sans rappeler un certain empereur français, mais aussi des noms de films ou de romans détournés de façon parodique, comme Arsène Lapin et le voleur de carottes, West Side Souris ou encore Rat Rat Land.



Mémoires de la forêt me donne décidément de plus en plus envie d’entrer dans cet univers pour y déguster toutes les pâtisseries et autres délices sucrés qui s’y trouvent tout en étant accompagnée d’un bon livre et d’un chocolat chaud. Ce tome est aussi gourmand que le précédent, et j’ai beaucoup apprécié trouver quelques recettes en fin de tome. L’auteur devrait sérieusement envisager d’écrire un livre de recettes reprenant toutes les pâtisseries et desserts qui se trouvent dans sa série.


En résumé, un second tome réussi ! L'auteur parvient une nouvelle fois à nous faire rire et à nous émouvoir avec une plume toujours aussi juste et poétique. Il aborde une fois encore des thèmes fort comme la maladie, l'amour et l'amitié. C'est toujours bienveillant et… très gourmand. Une lecture doudou à lire tout en dégustant un bon chocolat chaud avec guimauve !


- Messieurs, l'heure est grave, tartiflette ! Nous sommes face à ce que nous appelons, dans notre jargon, une D.I.S.P.A.R.U.E. ! Une Disparition Inquiétante de Star sous Pression À Retrouver Urgemment Et-que-ça-saute !

mercredi 28 août 2024

L'été fantôme - Elizabeth Holleville.


Louison et sa grande sœur viennent passer les vacances d’été chez leur grand-mère. Mais malgré l’immense jardin de la maison et le soleil éclatant du sud, la cadette s’ennuie, attendant avec impatience l’arrivée de ses grandes cousines. 

Lorsqu’elles arrivent enfin, Louison s’aperçoit que ces dernières ont désormais des préoccupations adolescentes et mieux à faire que jouer avec elle. 

Délaissée, elle reprend ses déambulations solitaires jusqu’au jour où elle fait la rencontre de Lise. Une jeune fille qui n’est autre que le fantôme de sa grand-tante, morte il y a soixante ans dans des circonstances mystérieuses. Restée figée dans cette période de l’enfance que Louison n’est pas pressée de quitter, Lise devient rapidement une confidente. Une amie aux mystérieux pouvoirs…


L’été fantôme est une histoire tout en douceur sur le difficile passage de l’enfance et l’adolescence, dans un cadre estival et familial.


J’ai aimé l’ambiance dans laquelle la bande-dessinée nous plonge, celle des étés de notre enfance, les douces nuits des vacances d’été, les virées à la plage, les sorties avec les cousins/cousines, les premiers émois de l’été. Le récit parvient avec brio à nous plonger dans cette ambiance, ce qui peut amener le lecteur à repenser avec nostalgie aux étés d’antan et comment, nous aussi, avions essayé de nous amuser avec nos cousins ou cousines plus âgés mais que ceux-ci avaient parfois d’autres préoccupations.


Ce cadre familial s’intègre aussi dans une intrigue fantastique à travers la figure du fantôme qui hante un lieu qu’il a autrefois connu. Nous avons Lise, fantôme de la sœur de la grand-mère de Louison, décédée alors qu’elle n’était encore qu’une petite fille. Alors que Louison se sent délaissée par ses cousines qu’elle ne parvient pas toujours à comprendre, maintenant qu’elles sont adolescentes, elle passe de plus en plus de temps avec son étrange amie surnaturelle, bien décidée à ne pas grandir.


Le récit aborde donc le sujet de la famille, du deuil, de l’adolescence, mais aussi de la maladie d’Alzheimer, de la solitude (celle de Louison mais aussi celle de sa grand-mère), des premiers émois amoureux, la recherche de soi alors que l’on se voit grandir ou encore par rapport à son orientation sexuelle et amoureuse. Les thèmes évoqués sont universels et nous parlent et nous émeuvent. Pour autant, j’ai eu l’impression que ces sujets ont été survolés alors qu’ils auraient mérité plus de profondeur, notamment entre la maladie d’Alzheimer de la grand-mère, le passage à l’adolescence, les conflits familiaux, l’homosexualité d’une des filles de la famille… mais aussi notre fantôme ambigu.


Je m’attendais à quelque chose de plus fou concernant le twist de l’histoire ainsi que la relation entre Louison et son fantôme. Je m’étais attendue à quelque chose de plus surprenant mais, au final, après les révélations, ça retombe un peu comme un soufflé. L’histoire de Lise, sa solitude et sa volonté de garder un compagnon avec elle pour l’éternité, ainsi que le drame vécu par la grand-mère ont finalement été peu approfondis, ce que j’ai trouvé dommage car il y avait de quoi faire quelque chose de bien ! Dans le même registre, j’avais trouvé La vie hantée d’Anya et Souvenirs de Marnie bien plus marquants.


Au final, lorsque nous avons atteint la fin du récit, nous ne trouvons pas de conclusion ou de changement profond et c'est dommage.


J’ai également trouvé que la police d’écriture ne rendait pas la lecture facile et que je me suis trompée sur certains mots ou qu’il m’a fallu relire une bulle plusieurs fois pour en comprendre le sens.


Malgré tout, j’ai trouvé intéressant le thème du passage de l’enfance à l’adolescence. J’ai aimé l’ambiance du roman qui nous donne un goût de fin d’été et de nostalgie, et j’ai aimé la relation qui s’est nouée entre Lise et Louison, et la grand-mère m’a beaucoup touché.


En résumé, des points prometteurs et touchants, mais pas assez approfondis à mon goût, avec une fin qui me laisse justement sur ma faim. Ce n’est pas un coup de cœur ni une déception, une lecture sympathique mais sans plus.