Minuit. L'heure où les ténèbres recouvrent le monde... L'heure du vampire ! Oh ! Bien souvent, on ne le voit pas. Mais la pâleur morbide de ses victimes et les deux points rouges qu'elles portent dans le cou signalent son terrible passage. Depuis un siècle, le comte Dracula n'a cessé d'enflammer les imaginations. Son élégance froide et raffinée fascine. Hélas ! Condamné à l'éternelle solitude, il doit, pour survivre, se nourrir chaque nuit de sang frais !

Pour fêter les cent ans du plus célèbre d'entre eux, huit vampires sont ici réunis. Huit nouvelles (dont une, inédite, de Claude Askew) sous la plume inspirée des plus grands maîtres du genre : Goethe, Polidori, Gautier, Crawford, Stoker, Jean Ray et Lovecraft...
 

Spécialiste des anthologies fantastiques, Barbara Sadoul a regroupé dans ce recueil une série de huit nouvelles mettant en vedette les vampires de la littérature du XIXe siècle (voire aussi un peu du XXe siècle), soit la genèse de la littérature vampirique, avec une préface intéressante sur la figure du vampire et son impact dans la littérature du XIXe siècle. Les nouvelles qui se présentent sont les suivantes :


La fiancée de Corinthe : poème de quelques pages, signé Goethe dans lequel une jeune femme se relève de la tombe pour venir à la rencontre du fiancé qu’on lui a promis de son vivant, se situe vraisemblablement dans l’Antiquité. Ce poème mêle le drame et le romantisme avec beaucoup de lyrisme.


Le vampire : l’un des premiers textes contemporains sur le vampire, écrit suite au fameux défi de Lord Byron qui a donné à Mary Shelley l’idée de Frankenstein. Polidori nous conte les mésaventures d’un riche orphelin anglais, Aubley, qui voyage avec Lord Ruthven, un homme charismatique et captivant mais dont le caractère dépravé et le talent pour la séduction font de lui un homme dangereux pour la société, tant il a le vice contagieux. Comprenant progressivement qu’il est un vampire mais tenu par une promesse qu’il ne peut briser, Aubey est impuissant aux jeux cruels de Ruthven, puis vient le jour où le cruel lord jette son dévolu sur sa sœur… Je garde un souvenir très fort de cette nouvelle, notamment à cause de sa fin très ambitieuse. Je ne m'en remets toujours pas.


La morte amoureuse : écrit par Théophile Gautier qui nous dépeint Clarimonde, une femme vampire pour laquelle Romuald, un ecclésiastique, s’est pris d’amour et de passion. Alors que Romuald mène une double vie - prêtre le jour, jeune seigneur la nuit - Frère Sérapion le met en garde, le conjurant de se défaire de l’emprise de son amante sur laquelle courent des rumeurs sordides... La plume de l'auteur est très belle, il nous fait voyager dans une atmosphère onirique, entre rêve et réalité.



Illustrations de La Morte Amoureuse par Eugène Decisy (1904)


Car la vie est dans le sang : un texte de F.M. Crawford où nous rencontrons une nouvelle fois une vampire. C’est l’histoire d’Angelo, que la mort de son père a laissé ruiné et délaissé par tous. Un soir qu’il s’endort dans les bois, il est visité par une jeune femme qu’il avait connu avant sa descente aux enfers, Cristina, qui n’avait d’yeux que pour lui. Chaque rencontre nocturne le laisse de plus en plus affaibli à son réveil. Alarmés par son état, un prête et un jeune garçon décident de découvrir, une nuit, la raison de son mal être… Un récit avec quelques lenteurs, mais toutefois plaisante par l'atmosphère angoissante et le cadre mélancolique.


L’invité de Dracula : écrit par Bram Stoker, le célèbre créateur de Dracula, et qui se présente comme une préquelle au roman, dans laquelle nous retrouvons Jonathan Harker, peu de temps avant son arrivée en Transylvanie, au château de Dracula. Alors qu’il se trouve à Munich, il décide de faire une balade en calèche dans les environs. Il s'étonne de voir les habitants évoquer avec crainte la Walpurgis Nacht durant laquelle il ne ferait pas bon s'aventurer dans des lieux peu sûrs. Malgré cela, il décide de visiter un village abandonné… Rien de bien palpitant quand on a lu Dracula, mais une préquelle plutôt divertissante qui jette les fondements du roman. Il fallait bien que notre iconique comte des Carpates fasse son apparition dans ce recueil !


Aylmer Vance et le vampire : écrit par Claude Askew, le récit est narré par Mr Dexter, qui travaille comme assistant auprès d’Aylmer Vance, un spécialiste du surnaturel. Véritable Sherlock Holmes des sciences occultes, on vient le consulter pour diverses affaires. Un jour, il reçoit la visite de Paul Davenant, un illustre sportif, devenu pâle et anémié, qui pense que la raison de son mal être ne peut être que surnaturelle. Tout a commencé depuis son mariage avec une jeune femme qui prétend que sa famille est maudite… Du gothique ! Une nature sauvage ! Un château hanté qui se présente presque comme une entité à part entière, menaçante ! Une enquête surnaturelle, que de bons ingrédients... 


Le gardien du cimetière : Un texte de Jean Ray, dans lequel un homme sans le sou accepte un travail en tant que gardien de cimetière en échange d'un toit et de nourriture. Il partage son quotidien avec les deux autres gardiens qui lui apprennent le métier tout en lui recommandant d'éviter certaines parties du cimetière. Tout se passe pour le mieux, jusqu'à ce qu'il remarque une étrange faiblesse chaque matin, l'amenant à s'interroger sur sa condition et son travail. Un récit assez angoissant qui nous fait nous inquiéter pour le protagoniste.


La maison maudite : une nouvelle de Lovecraft, le papa de Cthulhu, qui nous entraîne sur les pas d'un vampire qui se nourrit des membres de la maison qu'il hante, et ce depuis des générations. Une bonne intrigue, mais des lenteurs très... frustrantes ! Une lecture intéressante mais bien corsée !


Les nouvelles se lisent relativement bien, quoi qu’il faille être attentif au style employé qui est différent selon l’époque d’écriture. Je pense que pour pouvoir savourer au mieux ces écrits, il faut prendre le temps de les lire les uns après les autres. Il ne faut donc pas se laisser leurrer par la relative faible épaisseur du bouquin, car il est bien garni ! Il faut prendre son temps pour lire chaque histoire. Mise à part la première histoire, les autres récits sont plus ou moins longs, certains auraient même pu occuper un livre de poche type « folio 2€ » à eux seuls.


Chaque nouvelle est d'un intérêt inégal bien-sûr, même si je les ai trouvées toutes plaisantes et intéressantes à lire, j'étais vouée à avoir mes préférences (notamment La Morte Amoureuse, Aylmer Vance et le vampire ou encore Le gardien du cimetière). J'ai aimé cette plongée au cœur du XIXe siècle, dans les nuits profondes, sous la menace d'un vampire, le style des auteurs de cette époque, ce monde noir, étrange, poétique, violent, tourmentés par les vampires, âmes damnées et tourmentées, vouées à la vie éternelle.


Certains vampires sont victorieux, d'autres sont vaincus par le ou les protagonistes ; certains vampires ne se relèvent de la tombe que pour se nourrir des vivants, d'autres vivent dans la société des mortels, se mêlant à eux ; parfois, le vampire n'est que la malheureuse victime d'une malédiction, ou alors il est une créature dépravée. Il y en a pour tous les goûts. Chaque texte décèle des caractéristiques physiques et psychologique communes aux vampires mais on voit aussi apparaître de nouveaux attributs ou formes (vapeur, esprit, etc.), en ayant tout à la fois la propre version de la figure du vampire de l'auteur du récit.


En résumé, des nouvelles d'intérêt inégal, cependant elles ont toutes été très bien choisies car elles présentent chacune un intérêt et qu'elles sont très bien écrites ! Si l'on souhaite se mettre sous la dent des histoires de vampires dit "classiques", avec le style et le charme du XIXe siècle, ce recueil ne peut que plaire !


Pourquoi les morts m'auraient-ils fait peur ? Les vivants m'avaient tant fait souffrir. Pouvaient-ils être plus méchants que ces derniers ?
Le Gardien du Cimetière, de Jean Ray.