samedi 12 septembre 2020

Les filles de Salem : Comment nous avons condamné nos enfants - Thomas Gilbert.


Je me nomme Abigail Hobbs.

J'ai quatorze ans.
J'habite avec mes parents à Salem Village.
J'ai vécu une enfance heureuse, à l'abri des soucis.
Oui, pas le moindre nuage à l'horizon.
Puis il y a eu ce jour fatidique. J'étais dans ma treizième année.
Je m'en souviens précisément... Le jour où tout a commencé...




Troisième lecture pour le Pumpkin Autumn Challenge avec Les filles de Salem, un roman graphique prenant place vers la fin du XVIIe siècle, dans le village de Salem, en Nouvelle-Angleterre. Notre protagoniste, Abigail Hobbs, raconte sa vie au sein de son village, entre sa famille, ses amies et les villageois : Betty, sa meilleure amie et fille du révérend Parris ; Tituba, l'esclave de la famille de Betty, née indienne, elle sait faire des remèdes à partir de plantes et fréquente les tribus indiennes alentours ; Parris, le révérend du village, très puriste et rigoriste, dont les sermons sont craints ; Sarah Good, une pauvre mère, un peu simplette ; Bridget, la seule catholique du village avec sa mère qui tient la taverne, toujours gaie et souriante, ainsi que d'autres habitants formant le village de Salem et où Abigail mène une vie d’insouciance... jusqu'à l'année de ses 13 ans... 

Tout commence lorsqu'Abigail attire l'attention d'un garçon, chose plutôt banale sauf qu'aux yeux des villageois, cela veut dire qu'elle n'est alors plus considérée comme une enfant mais comme une femme. Ses cheveux doivent être dissimulés, elle ne doit plus parler aux garçons, garder les yeux au sol, ne rien faire d'impur, ne pas devenir une tentation pour les hommes. Abigail s'arrange pourtant pour s'accorder un peu de liberté en s'évadant en forêt où elle va courir, danser mais surtout rencontrer l'homme en noir, un jeune Indien dont le visage est peint en noir, et qui se nomme Mikweh. Le village de Salem voit pourtant avec mauvais œil ces Indiens peints en noir que les habitants voient comme des démons envoyés par le Malin et qu'ils considèrent comme responsables de leurs malheurs. En effet, les récoltes se font rares et la famine gagne la région, les habitants peinent à se nourrir. La psychose s'installe et les habitants prennent peur et se méfient, accusant même les leurs de sorcellerie. Profitant de la situation, le révérend Parris nourrit la haine et la méfiance pour gagner la confiance et l'argent des villageois. Très vite, la violence et l'instabilité s'installent et des procès pour sorcellerie prennent place au sein du village de Salem...

Je ne savais pas exactement à quoi m'attendre avant de lire Les filles de Salem, je savais juste que l'histoire était en lien avec les procès de sorcellerie de 1692, je ne m'attendais pas à recevoir une telle claque ! Les filles de Salem est un ouvrage bouleversant, fort en émotions. Salem, tel qu'il est au début de l'histoire, est coloré, vivant, avec des visages souriants et nous voyons que les dessins s'assombrissent en même temps que l'atmosphère au sein du village lorsqu'arrivent les premières accusations, la psychose puis les procès, comme un poison qui se propage et touchant principalement les femmes, celles qui sont différentes, celles qui se révoltent, celles qui sont innocentes. L'auteur parvient à nous faire ressentir l'horreur ressentie et vécue par ces femmes, nous sommes partagés entre l'indignation et le dégoût. Nous sommes témoins de la lâcheté, la violence et l'hypocrisie des hommes, ainsi que leur ignorance, leur intolérance, leur folie, nourries par un représentant de la foi rigoriste, puritain et dangereux, de l'autoritarisme qui prend le pas sur la solidarité. 



Les dessins sont parfois grossiers et violents, et ne peuvent pas être au goût de tout le monde, j'ai eu moi-même du mal au début, mais je pense que c'est pour mieux nous montrer l'atrocité des faits racontés et les horreurs dont l'être humain est capable. À travers les dessins et l'histoire, Thomas Gilbert montre à quel point une société peut se scinder et l'impact sur les minorités, les plus faibles de la population, ici les femmes. Avis toutefois aux âmes sensibles pour les scènes de violence et de mort, souvent brutale, de personnages mais aussi d'animaux. L'histoire comme les illustrations sont terrifiantes et bouleversantes, et j'ai craint pour le devenir de ces femmes, et notamment Abigail. Notre protagoniste est une jeune fille d'abord insouciante, qui ne comprend pas pourquoi ces soudaines restrictions sur sa liberté, et qui tente de trouver une bouée de sauvetage lors de ses visites en forêts, ses rencontres avec Mikweh, ses jeux de divination avec Betty, puis c'est une jeune fille qui est témoin, avec horreur, de la psychose qui envenime Salem, de la violence qui prend place, de la famine qui s'installe, et dont le seul crime aura été d'être témoin des péchés du révérend Parris, une jeune fille qui se révolte et qui veut tout simplement vivre.

Le révérend Parris est un personnage ignoble, un homme dégénéré tout puissant et qui est prêt à tout pour asseoir définitivement son emprise sur de bien pauvres âmes tourmentées et de gagner sa vie à travers ses sermons de haine. Au lieu de rassurer ses paroissiens, de préconiser la solidarité, il ajoute de l'huile sur le feu en parlant de sorcellerie, de malédictions sur le village et en organisant des procès pour sorcellerie. J'ai eu la boule au ventre lorsqu'ont débuté les procès et j'ai espéré que ces femmes s'en sortent jusqu'au bout [spoiler] y compris et surtout Abigail, j'avais espéré une fin heureuse pour elle, un miracle, qu'elle s'en sorte et qu'elle vive, même en fuite, sauvée par Mikweh [/spoiler]. J'ai eu peur pour ces femmes, j'ai espéré pour elle, je me suis attachées à elles. Avis aux lecteurs et aux lectrices : ce n'est pas une histoire qui se termine bien, le but de l'histoire est de nous raconter le destin poignant de femmes, comme il y en a eu dans notre Histoire, victimes de ces procès de sorcellerie, et de ne pas oublier ce qu'il s'est passé pour ces femmes victimes d'injustice, de la haine et de la peur de leurs semblables.

N'étant pas familière avec cette partie de l'Histoire, je ne prétends pas que c'est une histoire qui retrace fidèlement ce qu'il s'est réellement passé. Je pense plutôt que l'auteur s'est inspiré de ces faits pour raconter sa propre histoire, et que les vrais événements qui ont eu lieu à Salem sont plus complexes qu'il n'y paraît et qu'il s'agissait vraisemblablement d'un conflit entre voisins et entre deux puissantes familles qui a ensuite engendré ces procès. Comme je l'ai évoqué, ce n'est pas une partie de l'Histoire que je prétends bien connaître, mais si vous souhaitez en savoir plus, la chaîne Youtube Occulture traite le sujet de manière très instructive, après plusieurs et longues recherches. Je tiens donc à avertir les futurs.es lecteurs et lectrices que cette histoire n'est pas un ouvrage qui présente avec exactitude ce qu'il s'est passé à Salem en 1692, car l'histoire est plus longue et complexe, et que l'auteur a pu prendre des libertés historiques, ce qui n'enlève pas à cette bande-dessinée ses qualités.

En résumé : une oeuvre sombre, bouleversante, sans doute non historiquement fiable, mais poignante dans laquelle Thomas Gilbert propose une version de la tragédie qui a bouleversé Salem et dont on ne ressort pas indemnes...

Thomas Ragon on Twitter: "« Les Filles de Salem », par @ThomasGilbertBD… "

2 commentaires:

  1. bonjour, comment vas tu? merci pour la découverte. cette BD me fait envie. je la mets sur ma wishlist. passe un bon vendredi et à bientôt!

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    1. J'espère, si tu as eu l'occasion de le trouver, que la lecture t'a plu ;)

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