mercredi 23 septembre 2020

L'étrange cas du Dr Jekyll et de M. Hyde - Robert Louis Stevenson.


Comment l'excellent docteur Jekyll, éminent scientifique et membre de la meilleure société londonienne, a-t-il pu se lier avec M. Hyde, un homme violent et sans éducation ?

Ses amis s'inquiètent : n'a-t-on pas vu le sinistre M. Hyde se glisser, aux petites heures du matin, chez le docteur, en utilisant sa propre clef ?

Il ne fait aucun doute que le docteur Jekyll cache un effroyable secret...



Ce roman s'est toujours présenté comme l'une de ces célèbres histoires que je me devais de découvrir un jour, sans avoir eu la motivation pour le faire. Je profite du Pumpkin Autumn Challenge pour découvrir enfin ce classique, ce dernier me paraissant approprié pour le sous-menu "Métamorphose".

L'histoire commence avec Gabriel Utterson, un notaire londonnien, qui se promène un soir avec son cousin éloigné Enfield. Alors qu'ils passent devant une étrange demeure, Enfield raconte à Utterson une histoire dont il fut le témoin : alors qu'il rentrait chez lui, Enfield aperçoit une petite fille courant dans la rue ainsi qu'un homme d'aspect répugnant qui finissent par se heurter. Simple accident, sauf que l'homme piétine la fillette sans pitié avant de poursuivre sa route, sauf que l'événement finit par attirer la foule, dont fait partie les parents de la fillette. L'individu, qui s'est présenté comme étant Edward Hyde, décide de rentrer chez lui avant d'offrir un chèque de dédommagement aux parents. Utterson reconnaît avec stupéfaction la maison comme étant celle de son ami, le Dr Henry Jekyll. Troublé par cette histoire, il décide de relire le testament que Jekyll lui avait donné et constate que tous les biens du docteur, s'il venait à lui arriver quelque chose, seraient restitués à Edward Hyde. Utterson s'inquiète face à cette étrange association entre son ami, un homme irréprochable, et un homme aussi violent que ce Mr Hyde et s'interroge : son ami serait-il victime du chantage et des mauvaises mœurs de Hyde ? Utterson décide d'en savoir plus sur cette sombre affaire et mène une enquête personnelle...

L'étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde est une histoire que nous connaissons pratiquement tous et toutes sans l'avoir nécessairement lu. C'est un récit culturellement reconnu depuis le début (la première adaptation date de 1908 !). J'avais en tête l'image du Dr Jekyll buvant le contenu d'une fiole avant de se transformer en homme d'apparence monstrueuse. Cependant, j'ignorais la structure fantastique de l'histoire, ses personnages (outre le docteur et son alter-égo), le suspense ainsi que l'idée philosophique impliantque nous avons tous et toutes un Mr Hyde en nous (et pas juste mes agaçants voisins et certains membres de ma famille. Ahem).

Robert Louis Stevenson | Wiki Littérature | Fandom
Robert Louis Stevenson
Nous avons donc affaire à un chef d'œuvre de la littérature, l'un des exemples les plus connus de la littérature gothique, ce qui fait que la révélation de l'histoire nous est déjà connue ! Le Dr Jekyll et Mr Hyde ne forment qu'une seule et même personne ! J'ai regretté connaître cette révélation car, comme Utterson et l'entourage du Dr Jekyll, j'aurais aimé ne découvrir le fin mot qu'à la fin de l'histoire, être prise par surprise et choquée, comme la célèbre révélation que Dark Vador fait à Luke Skywalker dans Star Wars. Toutefois, le fait de connaître ce plot twist ne gâche que peu le plaisir, qui se trouve davantage dans la manière de RL Stevenson de traiter le sujet et les révélations finales du Dr Jekyll.

Si le thème n'est pas inédit, le roman est l'exemple le plus connu traitant de la dualité entre le bien et le mal, qui est au cœur de la nature humaine. Fasciné par la question des personnalités multiples, ou plutôt de la multiplicité au sein d'une même personne, RL Stevenson nous raconte les expériences menées par le Dr Jekyll. Ce personnage est conscient d'avoir une part sombre et malfaisante en lui et il est partagé entre la fascination et la répulsion de cet autre lui ; il prépare alors une formule scientifique à base de poudres chimiques pour tenter de dissocier son côté bon de son côté mauvais, de faire tomber cette barrière entre le bien et le mal, en pensant être pleinement lui et se débarrasser des mauvais actes que son bon côté désapprouve. 

Sa préparation scientifique fonctionne au-delà de toute espérance et donne à son mauvais côté la forme d'Edward Hyde, un petit homme dénué de conscience et dont l'apparence répugnante reflète la laideur de son âme. Seulement, au fil du temps, Hyde finit par échapper au contrôle du docteur et commet des actes irréparables, mettant Jekyll au pied du mur car Hyde a été aperçu avec les clés de sa maison dans laquelle il entre et sort à sa guise. La situation empire alors que Hyde commence à se faire connaître de la police et que Jekyll s'aperçoit qu'il a besoin de sa formule non plus pour se transformer en Hyde mais pour tenter de redevenir Jekyll, ses transformations en Hyde devenant de plus en plus incontrôlable. Ne pouvant plus maîtriser ses transformations et les actes de Hyde devenant irréparables, la santé du Dr Jekyll se dégrade, et qu'il commence une longue descente aux enfers. Mais tout cela, nous le découvrons que vers la fin du roman.

Tout au long de l'histoire, nous suivons l'avoué Utterson qui s'interroge sur cet étrange Mr Hyde qui le répugne par sa violence, et son association avec son très estimé ami, Henry Jekyll. Mauvaise compagnie ? Chantage ? Poussé par ses inquiétudes et son amitié pour Jekyll, Utterson mène sa propre enquête personnelle alors que Hyde continue à faire parler de lui, terrorisant d'abord le personnel du docteur puis la population de Londres. J'ai aimé suivre cette histoire à travers les yeux d'Utterson. S'il paraît être un peu froid de prime abord, je n'ai pu m'empêcher d'être touchée par l'amitié sincère qui le lie à Jekyll et qui le fait mener l'enquête sur Hyde, pour délivrer Jekyll de ce poids, et qui cherche jusqu'au bout à aider son ami, jusqu'à ce qu'il soit trop tard.

Jekyll-mansfield.jpg
Richard Mansfield dans son rôle
de Jekyll/Hyde dans la pièce de 1887/1888
Ce roman a un aspect fantastique que j'ai beaucoup aimé, à travers les recherches scientifiques de Jekyll pour dissocier sa part sombre de son bon côté, jusqu'à ce qu'il trouve la formule qui le transforme en Mr Hyde, il y a un petit côté horrifique dans cette idée de transformation, et tout le processus de métamorphose que subit le Dr Jekyll. À travers cette transformation, l'auteur aborde un sujet universel : le propre de l'humain est de reconnaitre le bien du mal et on peut être tenté par la part la plus sombre.

Le fait que l'action de cette histoire se déroule dans le Londres de l'époque victorienne n'est pas anodin. En effet, cette société est reconnue pour être un exemple de rigidité en terme de code de conduite et d'un certain puritanisme de façade chez les classes privilégiées. Le Dr Jekyll fait partie d'une classe privilégiée et il est ainsi soumis aux règles rigides et contraignantes de la société dans laquelle il vit. Conscient de la présence de son côté sombre qui le répugne et le fascine, il décide de dissocier les deux. Edward Hyde serait ainsi libre d'exprimer ses désirs, même les plus sombres, sans qu'Henry Jekyll n'en soit inquiété et continue à faire preuve de bonté. Hyde serait ainsi le masque pour assouvir ses désirs sans risquer d'être jugé par la bonne société victorienne et tout en conservant les avantages de son rang. On peut d'ailleurs voir en Hyde un clin d'œil, puisque son nom ressemble au verbe "hide" en anglais qui signifie "se cacher" ou ce qui est caché.

Penser que Jekyll et Hyde sont deux personnalités différentes serait se tromper. Si Mr Hyde ne reconnaît pas les limites imposées par la société et agit selon son bon vouloir, Jekyll n'est pas innocent dans cette affaire. Il ne ressent, au départ, aucune culpabilité face à cette expérience qui va contre les lois de la nature et de la science, ce qui lui vaudra d'être fâché avec son collègue Lanyon, et il se sent libéré lors de sa première transformation, laissant Hyde agir comme il le souhaite, tant que Jekyll peut échapper aux conséquences : ce que fait Hyde ne concerne que lui et le docteur n'a pas à s'en inquiéter. C'est lorsque Hyde commence à commettre l'irréparable et que Jekyll se rend compte qu'il ne peut plus le contrôler qu'il réalise tout le problème de cette transformation. Hyde l'arrange, jusqu'à ce que les actions de son alter-ego vont trop loin pour son propre code moral. Il est coupable de cette création et en ayant laissé s'échapper volontairement son côté sombre. Toutefois, RL Stevenson ne conclut pas son roman sur une note sombre car [spoiler] Jekyll comme Hyde ont choisi d'écouter leur conscience, le bon côté [/spoiler]

On pourrait se dire que les scènes de violence ne sont finalement pas si nombreuses pour un être aussi horrible que Hyde, il s'avère que le récit n'est que la seconde, sinon troisième version. Le premier récit, inspiré d'un cauchemar de l'auteur, aurait tant révulsé sa femme par la crudité et la violence du texte qu'il partit en fumée. Et puis, je trouve que ce roman a le charme qu'on trouve dans les romans de la fin du XIXe siècle, qui me plaît beaucoup. Ce roman fut une expérience littéraire intéressante, qui force à réfléchir et dont le souvenir va m'accompagner pendant des jours, voire des semaines. Un récit gothique court mais intéressant dans lequel RL Stevenson nous pose des questions sur la nature humaine, en gardant bien de nous donner des réponses !


Jour après jour, à la fois par le côté moral et le côté intellectuel de mon esprit, je m'acheminais régulièrement vers cette vérité dont la découverte partielle allait me condamner à un si terrible naufrage. L'homme, en arrivais-je à conclure, n'est pas un être unique, mais un être double [...] 
Je me disais : "Si chacun d'entre eux pouvait être localisé dans une personnalité distincte, la vie serait libérée de tout ce qui nous est insupportable ; le méchant suivrait sa voie sans crainte, délivré des aspirations et des remords de sa meilleure conscience ; et le juste s'avancerait fermement et sûrement sur le chemin de la perfection, faisant le bien dans lequel il trouve son plaisir et sans s'exposer davantage à la honte et aux remords par les actes de son mauvais génie. C'était le fléau de l'humanité que ces deux fagots de bois différents fussent attachés ensemble et que, dans l'angoisse qui fait le fond de notre conscience, ces deux frères ennemis dussent toujours et constamment lutter entre eux. Mais voilà ! Comment les dissocier ? 
10. Le Dr Jekyll s'explique.

1 commentaire:

  1. un poétique bonjour Marion
    vendredi pluie aujourd'hui
    en passant par ici
    lire, découvrir tes nouveaux articles
    A+ du troubadour Emmanuel

    RépondreSupprimer