Ce titre faisait partie de ma wish-list avant la mise en place de mon Challenge Océan, mais j'ai pensé que le challenge serait une bonne occasion pour découvrir ce roman qui m'a d'abord attiré par sa couverture ainsi que par le thème de l'aquarium, de la mer et des créatures marines. Je ne m'attendais cependant pas à ce l'aquarium et ses poissons aient une place centrale dans ce roman, juste un décor. À mon agréable surprise, ce ne fut pas le cas.
Caitlin,
la protagoniste, est en effet une habituée de l'aquarium qu'elle
visite tous les jours de la semaine, excepté le week-end, et elle
est très attachée aux poissons qu'elle ne cesse d'admirer. Un
point commun qu'elle partage avec le vieil homme qu'elle rencontre à
l'aquarium. Progressivement se développe entre eux une jolie
relation autour de ces poissons, et bientôt ce ne sont plus
seulement les poissons qui poussent Cailin à
rejoindre l'aquarium, mais son nouvel ami... puis,
lorsque Caitlin dévoile l'existence de son ami à
sa mère, tout est chamboulé dans sa vie, car sa mère connaît très
bien ce vieil homme, personnage d'un passé qu'elle a tenté de
laisser derrière elle...
Une jolie découverte que ce
roman ! Caitlin est une protagoniste mûre pour son
âge, avec des pensées presque poétiques sur l'océan et des
réflexions que l'on prêterait davantage à des adultes, ce qui m'a
surprise, mais peut-être est-ce du au vécu de Caitlin.
La jeune fille n'a pas une vie facile et vit dans une maison
misérable avec une mère qui l'élève seule et qui doit parfois
faire des sacrifices pour joindre les deux bouts, mais il y a encore
un aspect enfantin chez elle, innocent, notamment à travers sa
passion pour l'aquarium. D'ailleurs, ce qu'elle aime
demander aux personnes qu'elle rencontre pour la première fois,
c'est quel est leur poisson préféré et pourquoi et elle aime
davantage les poissons "mal aimés", les moins jolis, ceux
qui attirent moins le regard. J'ai aimé son amour et son attirance
pour la mer et les poissons, cet univers la fascine et elle est
irrésistiblement attirée par ce monde aquatique qui lui offre un
moyen d'évasion, loin de ce monde qui l'oppresse. On peut même dire
que Caitlin a l'océan dans son cœur, et elle
espère bien en faire sa carrière !
J'ai été surprise
de découvrir, dans l'histoire, une relation F/F (entre
filles/femmes), à travers la relation entre Caitlin et
son amie Shalini, jeune indienne arrivée récemment en
Amérique, mais j'ai été touchée par la complicité et la
proximité entre ces deux amies, si bien que leur professeur les
appelle "l'agglomérat Caitlin-Shalini". Ce sont
deux jeunes filles qui découvrent leur corps et s'ouvrent à leurs
émotions. Shalini est très douce, très tactile
avec Caitlin et cette amitié se transforme
doucement en amour, et bien que cette relation ne soit pas l'aspect
central du roman, j'ai apprécié voir cet amour tendre entre ces
deux amies. J'ai également beaucoup aimé sa relation proche avec sa
mère, elles comptent sur l'une et l'autre et elles n'ont qu'elles au
monde, avant l'arrivée du vieil homme, et le roman le transcrit
bien. Puis, on assiste à la transformation de la mère lorsqu'elle
découvre l'existence du vieil homme.
Et là, on assiste
avec stupéfaction, voire horreur, Sheri, la mère, se
transformer en bête incontrôlable. On découvre une femme
vulnérable, hystérique, furieuse, triste qui voit se réveiller les
traumatismes de son enfance. Ne comprenant pas le désir de sa fille
à vouloir continuer de voir le vieil homme à l'aquarium et se
rapprocher de lui, elle tente de lui dire puis de lui montrer par
tous les moyens à quel point cet homme a gâché sa vie. Ce sont des
scènes dures, et on vient à prendre Sheri en pitié
et à la mépriser à la fois. Pourtant, aucun personnage n'est blanc
ou noir dans ce roman. Si, au début, je croyais [spoiler] que
la mère avait été victime d'inceste/pédophilie à cause de cet
homme, son père, au vu des questions qu'elle a posées à sa fille,
il n'en est rien, ce qui ne veut pas dire que son traumatisme n'est
pas valide [/spoiler]. Sheri a
vécu une enfance puis une adolescence difficile, traumatisante. Ce
passé l'a marqué et elle a essayé de s'en défaire jusqu'à ce que
le vieil homme apparaisse, lui faisant perdre ses moyens. Oui, elle a
eu des moments horribles avec sa fille puis le vieil homme, je ne
savais plus moi-même quoi ressentir pour ce personnage, si ce n'est
de la pitié. Oui, le vieil homme a ses tords, il a commis des
erreurs difficilement réparables mais il essaye de changer cette
situation, de s'amender, pour faire au moins quelque chose de bien et
j'ai voulu qu'il ait cette seconde chance. J'ai beaucoup aimé la
dynamique entre Sheri, Caitlin, le petit-ami
de Sheri et le vieil homme. Il y a des hauts et
beaucoup de bas, mais le roman tourne autour du thème du pardon et
de la reconstruction d'un foyer, d'une vie et j'ai beaucoup aimé les
voir former cette dynamique.
Avec la plume de David
Vann, j'ai été pris dans un tourbillon d'émotions. Tous ses
personnages sont délicieusement imparfaits, mais attachants pour la
plupart. On ne sait qui aimer, qui détester. On est pris entre la
révolte, la pitié, le doute. Quelle surprise ! Alors que le début
du livre nous entraîne dans un monde aquatique envoûtant, la suite
vire dans les abysses de la psychologie humaine entre une enfant
prise en otage entre deux personnes, une mère marquée par son passé
qui souhaite se venger, la quête d'un pardon difficile à obtenir
sans ce que soit impossible, les traumatismes du passé, une lente
reconstruction mais aucun personnage n'est vraiment seul et sans
aide. Bien-sûr, on finit par se douter de l'identité du vieil
homme, mais cela n'empêche pas ce tourbillon d'émotions qui nous
prend à la gorge ! J'ai été prise dans l'histoire, m'y plongeant
pour n'en ressortir qu'une fois la dernière page tournée, c'est une
intrigue dérangeante et prenante, sombre mais où l'on distingue une
petite lueur d'espoir, de renouveau.
En
résumé : un récit très beau, bouleversant et
poignant, sur le pardon et la rédemption campé par des personnages
hauts en couleur, le tout écrit avec une plume experte et
presque poète, dans un cadre aquatique fascinant.
L'unique raison qui me poussait à parcourir cette rue chaque après-midi, c'était le bleu au bout, la mer visible car nous trouvions toujours une colline. Ce bleu était la promesse de l'aquarium. Une allée menant à un sanctuaire. J'aurais pu m'inscrire à une activité périscolaire, mais je choisissais délibérément d'aller voir les poissons. Ils étaient les émissaires d'un univers plus vaste. Ils représentaient les possibles, une sorte de promesse.
re coucou Marion
RépondreSupprimerje ne connaissais pas
une découverte